Danemark et îles Féroé en voiture – 28 juillet 2024 au 24 août 2024 – 5.821 km (dont 2.488 en ferry)
28 juillet 2024.
5h27, je démarre la voiture alors que la maison est en mode Fort Knox : nous partons pour 4 semaines, les voisins sont aussi absents et des rôdeurs à la mine patibulaire (mais un peu quand même) ont été signalés dans le quartier. 1.064 km nous séparent de notre destination, plein Nord. Le Sud n’est plus à la mode, réchauffement climatique oblige. Douze heures plus tard, nous arrivons à destination. En 54 minutes chrono, le campement est monté, une tente familiale super deluxe avec deux chambres séparées par un lobby et un matelas confort gonflé à la pompe 12V sur la batterie de la bagnole. Oui, on s’embourgeoise et surtout ce n’est pas moi qui porte. Les kets sont donc à deux mètres de nous, ce qui ne nous empêchera pas d’entendre leurs bruits de petits animaux. Voici donc un nouveau périple extraordinaire qui commence pour notre petite famille ordinaire.
29 juillet 2024.
Nuit calme, si ce n’est le bruit lointain de l’autostrade, et celui des oiseaux au lever du jour, juste après celui des avions. C’est la rançon d’un camping à 20 minutes de train de la capitale, en ligne directe jusqu’au Københavns Rådhus flanqué d’une tour de 106 mètres. Les jeunes mariés y défilent à la chaîne tandis que la bibliothèque reste désespérément vide. Suivez le guide, c’est le Lonely Planet qui nous ouvre la voie, direction le Christiansborg, siège du gouvernement danois, en travaux. Juste à côté se trouve la nouvelle bibliothèque royale, avec un atrium majestueux et un paisible jardin. Le quartier très touristique de Nyhavn est blindé, nous lui préférons une pause pique-nique devant le Château de Rosenborg (Rosenborg Slot).
Christian IV le fit construire de 1613 à 1625, de style Renaissance flamande (d’aucuns la qualifieront de néerlandaise), il abrite désormais les joyaux de la Couronne (d’aucuns penseront aux bijoux de famille du roi Frederik X). Nous déambulons dans de vastes parcs dont les musées sont fermés le lundi, comme aujourd’hui, jusqu’à Den Lille Havfrue, vous aurez reconnu la Petite Sirène en bronze du sculpteur Edvard Eriksen. Elle représente une sirène (si, si) du conte de fées de H.C. Andersen, et elle séduit les badauds depuis 1913. Il paraît qu’elle en a vu passer des vertes et des pas mûres. La relève de la garde nous attend devant l’Amalienborg qui fait face à l’opéra. Il s’agit de la résidence d’hiver de la famille royale danoise, composé de quatre palais entourant une place au centre de laquelle trône son fondateur, le roi Frederik V.
Pas d’autre choix que de repasser devant les maisons colorées de Nyhavn avant de remonter dans le train du retour, après un bon 15 km d’urban trekking (si cela n’existe pas déjà, alors je viens de l’inventer). De retour au camping, je ressens le besoin de me dégourdir les jambes et j’enchaîne encore quelques tours. Alexis fait pareil, la relève est assurée aussi.
30 juillet 2024.
Nous nous rendons ce matin au point le plus étroit de l’Oresund, le détroit qui sépare le Danemark de la Suède, à Elseneur. C’est là que le roi Frederik II a fait construire son Château de Kronborg après avoir épousé Sophie de Mecklembourg-Güstrow, avec qui il engendre 8 enfants. La reine Sophie a donc deux passions, ou deux jobs, qui saura : pondre des héritiers et gérer l’intendance. Il paraît que la grande salle de bal de 750 m2 était réputée dans toute l’Europe pour ses repas pantagruéliques, financés par la dîme prélevée sur chaque passage de bateau dans l’Oresund. Ceux qui ne payaient pas se voyaient offrir un boulet de canon. Bref, du racket en bonne et due forme.
Alors que tout le monde se rue généralement sur le Frederiksborg Slot, nous optons pour le Palais de Fredensborg, encore occupé de nos jours par la famille royale danoise qui en est propriétaire. Il ne se visite qu’en été, mais il faut arriver avant 17h. Les retardataires que nous sommes se contentent d’une promenade dans le jardin – un parc – de cette maison de campagne de style baroque rococo. Mais comme il n’y a pas de serres, cela ne vaut pas Laeken.
31 juillet 2024.
Retour dans la capitale, direction Christianshavn et son originale église de Notre-Sauveur (Vor Frelsers Kirke), dont la flèche en spirale est entourée d’un escalier en colimaçon. Suit le quartier branché et limite underground de Christiana, communauté déclarée libre et autonome de 1979 à 2013, année qui en sonna le glas et la reprise en main par l’État, ce qui n’empêche pas la vente de cannabis sous toutes ses formes et produits dérivés.
Tant qu’à fumer, nous poursuivons vers CopenHill, ou Amager Bakke, un incinérateur dissimulé sous une piste de ski artificielle qui culmine à 85 mètres de hauteur, l’ascenseur vous y mènera en quelques secondes, la vue est à couper le souffle, c’est grandiose. Nous rallions la Ny Carlsberg Glyptotek, le musée des beaux-arts fondé par le célèbre brasseur, en longeant les quais où les Danoises, pas frileuses, prennent le soleil en bikini. Imaginez cela un instant le long du canal à Bruxelles.
Au final, nous avons moins marché aujourd’hui, seulement une douzaine de kilomètres, bonne raison pour une petite sortie running autour du camping.
1er août 2024.
Après quatre nuits sur place, il nous faut lever le camp, la partie de Tetris sera serrée pour tout caser dans la bagnole, c’est que nous avons du matos pour braver les conditions du Grand Nord et parer à toute éventualité. Je conserve d’ailleurs précieusement deux bouteilles. Du lait et du vin, chacun son biberon. Depuis la côte orientale, nous rejoignons la pointe septentrionale, en passant par le Storebæltsforbindelsen, ou Liaison du Grand Belt, reliant le Seeland et la Fionie. De cet ensemble d’ouvrages d’art, le plus emblématique est le pont suspendu dont la portée principale compte quinze mètres de plus qu’un mile et dont les pylônes constituent le point culminant du pays avec une hauteur de 254 mètres. En fait, le sommet naturel du Danemark continental est le Møllehøj avec 171 mètres. Sur les bons conseils de Papy, nous faisons escale à Odense, ville natale du célèbre conteur HC Andersen qui a fait le bonheur de nombreuses générations, et sans le savoir, une partie de la fortune des studios Disney.
C’est aussi la ville natale du joueur de tennis Kristian Pless, qui fut classé 172ème joueur mondial, il aura aussi droit à son heure de gloire en figurant dans notre récit de voyage. Nous poursuivons notre migration vers le Nord et arrivons à Albaek en fin d’après-midi. Bien équipé et bien installé, le camping est situé au bord du détroit, ou du golfe, de Kattegat.
2 août 2024.
Super journée qui s’annonce, excursion à la pointe Nord du Danemark, à Skagen, et même à Grenen, l’isthme qui sépare le Skagerrak du Kattegat. Donc pour faire simple, la Mer du Nord de la Mer Baltique. Plein soleil, les parkings sont remplis, même ceux à vélos, une marée humaine remplace celle de la mer, tout ce que j’adore.
Bonne raison pour sortir le stick à selfie et le petit drone, équipement hi-tech, Alexis se porte fort de monter une vidéo de notre périple. Petit tour en ville, comme un air de Sluis, mais en mieux. De retour au camping, Valentin trépigne pendant qu’Alexis et moi faisons du footing, puis on lâche l’animal. Il en oublie d’ôter ses Crocs en s’élançant dans la mer. Nous pouvons ainsi cocher une nouvelle mer à notre palmarès des baignades. L’eau de la piscine naturelle du camping n’est pas plus chaude mais elle est douce et il n’y a pas de crabe, à part nous. Le repas est rondement mené grâce à la cuisine mise à disposition. La cuisinière ne l’est pas.
3 août 2024.
C’est le jour du grand départ : nous embarquons sur le MS Norrona à destination de Torshavn. La levée de camp est maîtrisée et le rangement est stratégique : nous devons prendre tous nos bagages pour la nuitée à bord car la voiture ne sera pas accessible durant la traversée, mais il faut aussi que la tente et tout le couchage soit facilement récupéré car l’arrivée se fera vers 23h et il faudra encore monter la tente, fort probablement sous la drache. En bonne anticipation des tarifs insulaires, nous faisons de grosses courses avec des denrées non périssables. Et un petit cubis de pinot noir qui nous tiendra chaud en cas de coup dur.
L’embarquement est réglé comme du papier à musique, les premiers véhicules entrent déjà alors que le navire continue d’en vomir. Notre cabine est sobre mais fonctionnelle : quatre couchettes et une salle d’eau avec WC et douche. Il y a aussi un poste de télévision avec une chaîne affichant la position du bateau (comme dans les avions) et une webcam à la proue du navire. Nous pourrons également voir un peu des J.O. de Paris sur les chaînes vikings. Nous profitons des installations sportives (salle de fitness, piscine et sauna) en attendant l’ouverture du buffet, auquel nous faisons honneur, boissons ad libidum incluses.
4 août 2024.
Pas la meilleure nuit du voyage, les excès de la veille et les bruits du bateaux n’ont pas aidé, ou alors c’étaient les relents de cette viande d’agneau maturé, spécialité féroïenne appelée skerpikjøt. Cela ressemble à un bon jambon fumé mais cela a comme un goût de fromage rance avarié. Ce fut une expérience surprenante, réservée à des aventuriers aguerris. Mais il nous en faut plus pour louper le petit-déjeuner (il y a des crêpes), qui est même couronné par un ballet d’une dizaine d’orques, moment d’une grande rareté pour un tel navire de 166 mètres de long et 10 étages.
Tandis que nous longeons les falaises des îles Shetland, les smartphones captent le réseau local et nous envoyons des nouvelles à la famille et aux amis. Je resterai connecté jusqu’à une quarantaine de kilomètres des côtes, nous n’avions pas pris l’option wifi on board. Grâce au GPS, mon ami Osmand, je peux connaître notre position ainsi que la vitesse du navire, 18 nœuds soit environ 33 km/h. Sport et détente sont au programme de la journée. Il faut déjà quitter la cabine dès 21h, soit 90 minutes avant d’atteindre quai, le nettoyage sommaire est réalisé en un temps record par des petites mains de l’ombre. Pendant ce temps, les voyageurs s’entassent dans le lobby, jusqu’à 22h30. Terre en vue, c’est Nolsoy, la première île visible de l’archipel des Féroé. Tout de suite, la magie opère : nous voilà à la découverte d’un autre bout du monde.
Le débarquement est organisé comme une routine, il faut être patient et démarrer au bon moment. Les Îles Féroé ne trahissent pas leur réputation, c’est le déluge. Purée monter la tente dans le vent, le froid, le noir, les flaques et la pluie, il faut le vouloir et ne plus avoir d’autre option (il est passé minuit). C’est là que je me souviens de ce Féroïen qui avait déclaré dans un reportage : il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que des mauvais vêtements. Vous pensez bien qu’avec mon Levi’s, mes baskets de running et ma vieille veste, je finis trempé jusqu’au caleçon. Bref, la nuit sera à la fois courte et longue.
5 août 2024.
Au réveil – pour ceux qui ont dormi – la Princesse pète un câble, les éléments ont eu raison de la sienne. L’orage passera heureusement plus vite que les pluies (si, si : les pluies) qui tombent sans discontinuer. Nous trouvons refuge dans la salle commune surpeuplée où des fringues sèchent dans tous les sens, chauffage à mac et fenêtres ouvertes. Il n’y a pas grand-chose à faire que d’attendre en spéculant sur la météo et le temps de séchage de mes chaussettes qui pendent à la poignée d’une armoire. Ma Princesse reprend espoir en réservant un Airbnb pour après-demain. À la faveur d’une accalmie, nous déménageons la tente qui était vraiment mal placée et mal montée. Nous la séchons au mieux et la remontons très soigneusement avant que les averses ne reprennent.
Ce n’est qu’en fin d’après-midi que nous risquons une sortie à la découverte des environs. Comme nos fringues sont encore trempées, nous partons en short et pieds nu en Crocs, alors qu’ici c’est comme fin novembre. Escale chez Foroya Tele, l’opérateur telecom local pour une carte sim et un forfait data de 7GB. Nous avons même droit, furtivement, à quelques secondes de soleil et de ciel bleu assorti avec mes slaches qui ont le mérite d’être conçues pour la flotte. Et là, nous nous disons que pluie ou pas, nuit de merde ou pas, c’est quand même exceptionnel d’être dans ce petit bout du monde en famille.
6 août 2024.
Nuit sans pluie mais pas sans humidité : purée de pois au réveil ce matin. Quand ce n’est pas le groupe de jeunes Français qui nous les casse, c’est notre voisin Allemand, au moins lui tiendra compte de notre remarque. Ce n’est pas la petite bruine matinale qui va nous arrêter, direction la vieille ville de Torshavn. Nous commençons par la forteresse de Skansin, construite 31 ans après le célèbre Ommegang tenu en l’honneur de Charles Quint à Bruxelles. Elle domine la ville et pointe deux canons rouillés vers la mer et ses pirates téméraires.
Nous poursuivons vers le centre institutionnel du pays, sis à la péninsule de Tinganes. S’y trouvent encore le siège du løtling, le parlement local, ainsi que le bureau du premier ministre dans une bâtisse historique au toit recouvert d’herbe, ils feraient bien d’y passer la tondeuse d’ailleurs. Comme vous le savez, les Îles Féroé sont un archipel de 18 îles principales (habitées) et 11 îles secondaires (inhabitées) couvrant une superficie de 1.400 km2 pour 54.000 habitants. À titre comparatif, ma commune compte 7,3 km2 pour 59.000 habitants. Les Féroé jouissent d’une autonomie quasi totale, excepté pour ce qui a trait à la défense, le roi du Danemark en reste le chef d’état. Ils ont donc leur propre drapeau et leur équipe de foot. Quelques chemins cabossés relient les rues pavées de la vielle ville avec ses maisons anciennes, très anciennes, vu que la ville fut fondée au IXe siècle par les Vikings. Le quartier respire cette ambiance insulaire propre aux petites îles isolées. Un office est en cours dans la cathédrale, alors nous sautons dans un bus de la ligne 2 qui nous dépose au départ de la randonnée vers Kirkjubøur. La rando – le trek – de 6 km est bien balisée et nous réserve d’incroyables vues dès que les nuages se dissipent. Le village est le plus vieux de l’île et s’y trouve la plus ancienne maison de bois à être encore habitée, il s’agit de la Kirkjubøargarður, une ferme comme vous l’aurez bien compris.
Le retour se fera en bus (ligne 5) pour revenir à la capitale. La nuit s’annonce très pluvieuse, nous soupons tôt et nous nous barricadons dans notre tente en serrant les fesses pour qu’elle ne transperce pas.
7 août 2024.
Deux bonnes nouvelles : la prévision météo ne s’est pas trompée vu qu’il a bien plu cette nuit et la tente a résisté : je ne vois pas d’infiltration au réveil. La grasse matinée nous fait louper l’accalmie, je préfère éviter de replier la tente détrempée de sorte que nous patientons dans la salle commune en jouant aux cartes et en devisant avec nos compagnons d’infortune moins patients que nous : ils dégoulinent. Le tout est de savoir combien de temps attendre que le vent sèche la tente lorsque la pluie s’arrête et surtout avant qu’elle ne reprenne. Sur ce coup, nous sortons perdant en pliant le camp sous une petite averse, en short et en slaches, c’est ce qui sèchera le plus vite, pour quitter sans regret ce camping bruyant. Direction l’île d’Esturoy par le tunnel éponyme long de 11,2 km qui nous fait passer par un rond-point sous-marin. Unique au monde.
Ma Princesse a besoin de confort, pas de tente à monter, pas de pluie ni de vent : Airbnb. C’est le grand luxe : deux chambres, une salle de douche, un séjour et le chauffage central. Nous le savons désormais : il convient de profiter de la moindre petite période de sécheresse, nous partons donc en balade jusqu’à Fuglafjørður. Une fois de plus, il suffit de pas grand-chose pour tirer d’incroyables photos, juste le bon coup d’œil et le bon réflexe pour l’instant du déclic.
8 août 2024.
Grand luxe mais pas de grasse matinée, les jumeaux du proprio nous réveillent à l’aube. Au moins, c’est plein soleil, nous partons pour un road-trip d’une centaine de kilomètres jusqu’aux confins des îles de l’Est : Bordoy, Kunoy et Vidoy, ce qui nous vaut d’emprunter un autre tunnel sous-marin de 6 km, et plusieurs tunnels terrestres à une voie, avec zones de refuge pour les croisements de véhicules. Clou de la journée, à Klaksvik, deuxième ville du pays, l’ascension du Klakkur (413 m) avec une vue à 360 degrés sur 5 des 29 îles de l’archipel.
Un aller-retour sur Kunoy pour y voir qu’il y tombe des cordes, s’y trouve une des rares mini forêt, les arbres ne sont pas légion sur l’archipel et sont le fait de l’homme. Nous poursuivons jusqu’à Viðareiði, petit village du bout du monde sur l’île Viðoy, qui sera le point le plus au Nord de notre périple. Au retour, nous faisons halte à Hvannasund, village qui fait face à Norðdepil, sur la rive opposée du fjord. C’était une bonne journée, beaucoup de route (100 km, tout est relatif), je ne suis donc pas à quelques km près, en courant cette fois. Soirée en famille devant Netflix, merci la télé connectée du Airbnb.
9 août 2024.
Cette fois, les jumeaux nous laissent dormir jusqu’à 7h00, ça c’est un horaire de vacances. Direction Eiði et son Risin og Kellingin, une falaise qui semble avoir enfanté deux jumeaux. Nous sommes proches du point culminant de l’archipel, le mont Slaettaratindur qui s’élève à 882 mètres d’altitude.
Évidemment, il est dans le brouillard, je n’ai aucun mal à convaincre mon épouse qu’elle ferait mieux de rester bien au chaud dans la bagnole. Les kets, eux, sont très motivés, nous tapons l’aller-retour en 1h20 en dépassant en trombe les quelques courageux randonneurs, juste pour le sport (et pour les statistiques d’Alexis sur Strava). Au sommet, nous avons une magnifique vista à 360 degrés sur une belle purée de pois. Le trajet jusqu’à Gjógv nous réchauffe bien et le pique-nique amélioré avec le réchaud (soupe et café instantanés) nous redonne les forces pour nous engager, au complet cette fois, sur la randonnée Ambadalur. C’est juste un chemin plus ou moins aménagé en haut de la falaise. La surprise, c’est qu’il permet de voir, sans les déranger, les célèbres macareux.
Généralement en haute mer vu qu’il s’agit d’une espèce pélagique, ils s’installent en haut des falaises en période de nidification, donc de reproduction, ce qui explique leur gros bec coloré en ce moment. Outre ses macareux, Gjógv s’ouvre sur une gorge de 200 m assez large pour laisser les petits bateaux s’aventurer jusqu’à l’embarcadère, un vrai cadre de carte postale.
10 août 2024.
Ce matin, ma Princesse nous régale avec des crêpes, un peu long à réaliser sur le réchaud de camping, c’est donc l’occasion au Airbnb, que nous quittons après trois nuits.
Direction Saksun, un petit hameau qui, avec Gjógv hier, figure parmi les plus beaux, les plus scéniques et donc les plus Instagrammables : il y a cinq places pour autocars sur le parking. Une étroite route panoramique y mène en cul de sac, une lagune s’oublie dans un fjord qui laisse entrevoir la mer au loin, le tout encadré par un vaste cirque couronné par des montagnes desquelles coulent d’innombrables cascades. L’on se sent tout petit.
Escale à Torshavn au bout de la route 50, qui sillonne sur un haut-plateau dominé par des éoliennes (85 % de l’énergie du pays est issue du renouvelable, et croyez-moi, ce n’est pas du photovoltaïque), avant d’emprunter le tunnel de Sandoy, deuxième plus long tunnel sous-marin de l’archipel avec 10,8 km, inauguré en 2023. Comme son nom l’indique, il nous mène sur Sandoy, encore un bout du monde sur lequel nous nous sentons tellement petits que cela en est presque oppressant. Comme nous ne faisons pas les choses à moitié, nous allons au bout du bout du monde, à Dalur. La route étroite est taillée dans la falaise, mieux vaut ne pas croiser un bus, un camion, ou pire : un camping-car. Au détour d’un énième virage, le village d’une centaine d’âmes se découvre au bord d’une crique. Et au bout de cette crique, un terrain gorgé d’eau et de boue : notre camping. Le propriétaire s’en excuse : ils ont rarement connu autant de pluie dans ce petit coin des Féroé.
11 août 2024.
Nuit bercée par le ressac des vagues qui déroulent sur les galets, petit soleil au réveil, magique. Une rando facile nous attend, 5 km pour traverser l’île de la côte Est vers la côte Ouest jusqu’au hameau de Skarvanes. Nous sommes au pays des moutons, il faut choisir entre les chaussures mouillées ou crottées. J’ai réussi à les garder sèches les deux premiers kilomètres, puis j’ai laissé tomber, le sol est gorgé d’eau, sorte de mousse spongieuse douce et molle. Ça fait des flocs et des splotches.
Après-midi détente, tasse de thé, jeu de cartes et accueil d’une famille française. Et séchage des godillots au gré du vent et des rares rayons de soleil. Je ressors en fin de journée avec mon fils aîné découvrir l’entrée du tunnel en chantier. À terme, il desservira ce village d’une trentaine de maison et la route accrochée à la falaise sera convertie en route scénique. Il sera aussi le point le départ pour un dernier tunnel de 22.500 mètres reliant Suduroy, île isolée la plus au Sud. C’est incroyable cette débauche d’infrastructures visant à remplacer des ferries efficaces et performants.
12 août 2024.
Grosse journée et pourtant nous n’avons pas fait grand-chose. Cela a commencé par une nuit terrible : pluie, vent, froid. J’arrache les kets à leurs rêves, quel mauvais père, dans l’espoir d’avoir le temps de ranger la tente qui a vaguement séché sous l’effet d’Éole. Elle est démontée mais pas repliée lorsque le vent et la pluie redoublent. Alexis est désigné volontaire, nous sommes sous la pluie, dans le vent par 11 °C en t-shirt, short et en slaches : cela fera moins de fringues à sécher. Nous compactons la tente en une grosse boule trempée puis nous l’étalons dans la salle commune, il n’y a plus qu’à se réchauffer et laisser sécher.
Nous passons la matinée à jouer puis nous reprenons la route, le port en ligne de mire. Nous prenons le ferry de 16h vers Suduroy, l’île la plus au Sud de l’archipel, qui sera donc un jour reliée par un tunnel depuis Dalur. Les passagers embarquent séparément du véhicule que je conduis seul dans la calle du navire. GPS à l’appui, je constate vite que le capitaine dévie de son itinéraire classique, probablement pour être mieux protégé du vent et de la houle avec des creux de 5 mètres, sous couvert de falaises dont les plus hautes atteignent 400 m. À bord, cela ne rigole pas trop, et je comprends rapidement l’utilité des cartons qui ressemblent à des emballages de smoutebollen : les gamins autochtones qui faisaient du raffut au départ font moins les malins.
Tandis que les passagers du cru tournent de l’œil, les VW tiennent bon. Sur le pont, un membre de l’équipage me confessera placidement qu’il y a plus de vent que d’habitude et que cela secoue bien. En bref ça décoiffe et je me déplace en mode crabe ivre. Le navire arrivera à bon port avec une heure de retard. Sur un trajet normal de deux heures, cela fait beaucoup.
Vu les conditions, j’ai été bien inspiré de délaisser le camping et de réserver un Airbnb à quelques km du port, sur la rive opposée du fjord. Dans la montagne, le vent remonte les cascades et les fait couler à l’envers. Magique. Notre logement est authentique, les photos de famille et brols de voyages décorent les pièces datées. La vue est magnifique, nous serons bien ici.
13 août 2024.
Nuit calme, et météo clémente au réveil, nous visitons la moitié Sud de l’île en commençant par le phare Akraberg. Nous sommes alors à l’extrême Sud de l’archipel, à 91 km à vol d’oiseau de Viðareiði, où nous étions il y a quelques jours, et à 1.430 km de Bruxelles. À Vagur, nous accomplissons facilement la petite randonnée vers le point de vue sur Eggvarnar et terminons par l’église et le lac de Fámjin.
Comme il ne peut pas, je me décide à aller courir avec Alexis. Le temps d’enfiler mes spikes, c’est la douche, tant pis, nous filons entre les gouttes jusqu’à Holið Í Helli, l’impressionnante grotte au pieds de la falaise. Trempé pour trempé, nous profitons du lave-linge au Airbnb pour faire la lessive.
14 août 2024.
Cette fois, direction le Nord de l’île avec Sandur et sa longue plage de sable noir. Le tunnel à une seule voie qui y mène débouche de la montagne par un virage à 90 degrés, le bout du tunnel n’a pour une fois rien de rassurant. Une randonnée facile et fréquentée conduit à une passerelle de malade lancée entre deux falaises, en cas de chute, c’est deux cent mètres de réflexion avant l’impact ultime.
Le vent et les averses nous invitent à rentrer au Airbnb pour profiter du paysage, vue sur le fjord, au travers du double vitrage. Je ressors avec le grand pour une promenade d’une heure pendant laquelle il se révèle être incollable sur le bike-packing, un mode de cyclotourisme version sportive et légère. Les chiens ne font pas des chats.
15 août 2024.
Un vent à décorner un bœuf toute la nuit, cela va être beau ce soir sous tente. Nous laissons les clés sur la porte du Airbnb en partant, c’est la coutume ici, ainsi qu’une bouilloire électrique neuve vu que la mère de mes fils a eu la bonne idée de poser l’ancienne sur la taque vitrocéramique encore chaude. Il y avait une certaine logique dans la démarche, mais le plastique n’a pas apprécié. Le ferry du retour est quasi désert, une équipe de football féminin et quelques voyageurs. Le préposé à l’embarquement nous demandera quelle est l’origine de notre plaque belge, il n’en avait jamais vu. Cette fois, le trajet est plié en deux heures, sans détour, la mer étant moins agitée. Nous empruntons la route panoramique pour rejoindre notre camping
qui est situé à la pointe Sud d’Esturoy. Le site est splendide mais un peu venteux et un peu pluvieux, nous verrons bien demain matin si nous survivons à la nuit.
16 août 2024.
Nuit de folie, la journée sera du même acabit : un vent à tourner en bourrique et des averses de 30 minutes toutes les demi-heures. Donc, journée repos, relax au camping dans la grande salle commune chauffée. Jeux de cartes, jeux de dés, lecture, petite tasse de thé. Et une petite sortie running avant de tremper le bout des pieds dans l’océan Atlantique Nord. J’entame le kit de survie, notre dernière bouteille de rouge pour se donner un peu d’espoir, fêter la jubilaire et passer la nuit prochaine.
17 août 2024.
Soleil radieux, 25 °C, pas un pet de vent. Non, je déconne. Nuit correcte, seulement deux grosses averses comme si quelqu’un s’amusait à arroser la tente au tuyau d’arrosage. Petite randonnée jusqu’à Nes, le bled d’à côté, deux églises, un canon de la WWII et un cimetière face à la mer. Les garçons ont encore l’énergie de jouer à la baballe malgré un vent de dingue.
La fin de journée approchant, le camping se remplit petit à petit, nous renseignons les nouveaux au mieux dans l’attente du gestionnaire qui vient faire le refill de PQ et prélever la dîme.
18 août 2024.
Nuit comme une dernière nuit aux Féroé : pluies, vents, rafales et bourrasques qui décoifferaient un clashkop. Pourtant, la tente a tenu les coups, je n’en reviens pas, d’autres n’ont pas eu cette chance. Nous plions donc soigneusement le camp vu que les deux prochaines nuits se passeront dans le confort du MS Norrona. Mais avant cela, il nous reste une île à visiter : Vagar, à plus d’une heure de route et après le quatrième et dernier tunnel sous-marin. En chemin, nous traversons Runavik, envahie par les passagers seniors d’un grand paquebot de croisière, occupés à photographier tout et n’importe quoi. Il faut que vieillesse se passe. Tant qu’à changer d’île, autant aller jusqu’au bout, et le bout c’est Gásadalur, dernier village de la route caché derrière un tunnel percé en 2006. Avant cela, il fallait y aller à pieds ou en bateau. Ou possiblement aussi en hélicoptère.
Nous voulions prendre le pique-nique sur la plaine de jeux de Bøur, mais un gros grain nous en dissuade, manger midi (il est déjà 14h) sera donc pour Søvágur. C’est qu’il faut prendre des forces pour affronter les vents de la soi-disant incontournable rando place to be, le must des Féroé, j’ai nommé le lac suspendu, Sørvágsvatn et sa cascade qui se jette dans la mer, Bøsdalafossur. Aussi incontournable que notre Manneken Pis de Bruxelles, sauf que lui, c’est gratos. Ici, les propriétaires ont flairé le filon et font payer cher et vilain pour un chemin boueux et glissant de 3 km jusqu’aux différents points de vue non sécurisés en haut des falaises hautes de 150 mètres.
Veni, vidi, vici, nous pouvons passer à autre chose, la dernière randonnée aux Féroé : Witches Finger Trail de Sandavágur. Et voilà, cela sent le début de la fin. Je fais l’appoint de carburant à la station Magn, qui nous offre un coup d’aspirateur, puis nous allons squatter la salle commune du camping de Torshavn, comme bon nombre de voyageurs qui attendent le bateau du retour comme nous. Et ils attendront longtemps : le quai est archi-comble et les opérations de chargement sont interminables, nous échouons avec bonheur sur notre couchette à 00h30, avec une heure de retard sur le programme.
19 août 2024.
Super nuit, il nous faut progressivement se remettre dans un horaire plus matinal et récupérer l’heure de décalage horaire avec les Féroé. Allons-y mollo : réveil à 7h55, heure des Féroé, donc 8h55 heure belge. Nous retrouvons Harald avec plaisir, il passe sa matinée à faire des crêpes, nous sommes ses meilleurs clients. Comme à l’aller, la proximité des Shetland permet de capter le réseau pour envoyer des nouvelles au pays et assurer chacun sa série de Duolinguo : les kets en anglais et Princesse en espagnol. J’attends la version féroïenne pour m’y mettre. Ensuite, longue séance de sport : 7 km de rameur, 10 km à vélo et du soulevé d’haltères. Puis double passage du sauna à la bassine froide et ainsi se passe la journée en attendant l’apéro.
20 août 2024.
La voix autoritaire de Freydis au travers des haut-parleurs nous arrache à notre sommeil profond vers 7h30, pour un message trilingue duquel nous ne retenons qu’il faut libérer la cabine dans une heure et que le bateau accostera dans deux heures. Donc, la fieke nous a volé une heure de sommeil. Au moins, nous aurons le temps de déjà déposer les bagages dans la voiture et du profiter de la vue depuis le salon panoramique du 10ème étage. Terre en vue. Notre voiture était parmi les dernières à rentrer, elle sera parmi les premières à sortir, direction Aalborg, la quatrième ville du Danemark. Nous avons bien rejoint le plancher des vaches, mais tout tangue toujours autour de nous. Catherine et Alexis ne sont pas au mieux de leur forme.
La découverte de la ville sera donc limitée au strict minimum : le couvent fondé en 1506, aujourd’hui converti en maison de repos, il y a de l’idée. Puis la maison Jens Bangs, qui semble tenir en équilibre. L’air frais du Limfjord donnera un peu de repis, pour contempler l’architecture moderne du Utzon Center, et de l’imposante Musikkens Hus. Dernier passage à l’église Budolfi, qui remonte au XIIème siècle et dont l’orgue modernisé en 2007 peut produire plus de 8.000 combinaisons de tonalités. C’est prodigieux. Le trajet jusqu’à Aarhus permet à chacun de se reposer, sauf le chauffeur, et l’installation au camping est laborieuse. Au moins, nous avons vue sur mer et bruit des vagues.
21 août 2024.
Nuit reposante et grasse matinée, toute la famille est en forme pour s’attaquer à Aarhus. Du camping, le bus 18 qui passe toutes les trente minutes va directement au centre-ville, nous irons donc en voiture qui sera stationnée dans un parking payant. Par rapport à Odense et Aalborg, l’on ressent qu’on est dans une plus grande ville et mis à part quelques belles rues et maison, c’est surtout l’architecture et les aménagements urbains modernes qui retiennent l’attention. La pluie nous rattrape, nous trouvons refuge dans les serres du jardin botanique avant de rentrer au camping et faire une sieste. Rien de spécial, un peu de fatigue accumulée ou le coup de mou de la fin du voyage.
22 août 2024.
C’était notre dernière nuitée sous la tente, évidemment il a plu et elle est toute mouillée, il nous faudra la rouvrir une fois rentrés à la maison. Mais avant cela, direction le musée Moesgaard, probablement l’un des meilleurs musées qu’il nous ait été donné de visiter. Il retrace l’humanité en embrassant la période courant du paléolithique jusqu’au Moyen-âge en passant par l’expansion viking. Est notamment exposé l’homme de Grauballe, ce corp momifié découvert dans une tourbière qui défraya la chronique en 1952. Aussi, le bâtiment lui-même est remarquable, il semble s’enfoncer dans la terre pour se confondre avec le sol, et son toit à versant unique est recouvert d’herbe. Nous y passerons plus de 4h avant de reprendre la route pour un Airbnb perdu au milieu de nulle part.
23 août 2024.
Au milieu de nulle part mais tout près de Legoland. Après la journée musée, c’est la journée parc d’attractions. La pluie est au rendez-vous, parfait, le parc sera désert. Notre âge mental est remis en question toute la journée, nous enchaînons les attractions en sélectionnant celles à sensation, même si c’est globalement bon enfant. Mention spéciale au simulateur de vol sur un bras articulé, une partie de mon cerveau est restée derrière moi. Et mention spéciale au « Masters of Flight » un spectacle magique. Une journée extra, de l’ouverture à la fermeture du parc, avec du vent et de la pluie, l’on se serait cru aux Féroé. Ainsi s’achève notre petit voyage, demain une longue route nous attend avant la reprise du travail et de nouvelles idées de voyages à concrétiser.