22 janvier 2016.
Le temps est pluvieux ce matin, raison de plus pour se mettre en route après quatre journées de repos au camping de Puerto Santa Cruz. Nous nous arrêtons à la station YPF de Piedrabuena, pour le plein de diesel (toujours la qualité EURO quand elle est disponible) et d’eau potable. La Ruta 3 est bonne sur cette partie mais pas très enthousiasmante, et encore moins sous la pluie. Nous passons à côté d’une dépression, qui couvre vingt-cinq mille kilomètres carrés et dont le point le plus bas, dans le brouillard, est situé 107 mètres sous le niveau de la mer. Puerto San Julian n’est plus très loin, nous nous y arrêtons sur la Costanera devant un hôtel qui nous donne gracieusement le code du wifi, je peux ainsi publier sur le site. Trois véhicules français nous rejoignent pour la nuit, nous reconnaissons parmi eux le pick-up cellule de Fina et Alain, rencontrés en Colombie, qui est maintenant dans les mains d’un couple de retraités, Geneviève et (un autre) Alain.
23 janvier 2016.
Pluie et vent une bonne partie de la journée, nous restons coincés au motorhome. Valentin avait rêvé cette nuit d’un hélicoptère. Avec son génie de père, son rêve devient réalité (en papier cartonné).
Le besoin de prendre l’air se faisant sentir au courant de l’après-midi, je sors les fauves pour un petit tour en ville et à la plaine de jeux. La bourgade est calme et un peu désolée, c’est pourtant ici que fut célébrée la première messe catholique du pays, si pas du continent, par Magellan qui avait fort bien choisi sa date : le 1er avril 1520.
24 janvier 2016.
Le vent s’est levé cette nuit et ne faiblit pas ce matin, c’est donc l’occasion de mettre les voiles. La route offre quelques belles lignes droites, mais la conduite est fatiguante, c’est une lutte permanente contre le vent, dont l’effet est accentué à chaque croisement de semi-remorque, ce qui m’oblige à me cramponner au volant et à écarter le CC autant que la largeur de la route le permet. Nous nous arrêtons un peu avant Caleta Olivia, après 340 kilomètres de trajet, au bord d’une plage de galets très fréquentée, par des lions de mer. Il y en a plusieurs centaines, nous nous en approchons avec les kets, mais les rugissements des mâles, qui défendent leur harem, sont impressionnants et nous tiennent en respect. Le lion de mer austral (otaria flavescens) règne ainsi sur une dizaine de femelles, soit environ deux tonnes de lionnes de mer.
L’endroit est connu des locaux, nombreux sont les Argentins qui s’arrêtent quelques instants, tandis qui nous y passerons la nuit. Il fait terriblement chaud dans le motorhome qui est resté en plein soleil toute la journée. Alors que l’océan amène de l’air frais, il est paradoxalement impossible d’ouvrir les fenêtres pour aérer et refroidir l’habitacle, en raison des grosses rafales de vent. Au moins, Catherine a définitivement remisé son pyjama en flanelle.
25 janvier 2016.
Il y a eu des grognements bestiaux toute la nuit, et la nuisette soyeuse de mon épouse n’y est pour rien : ce sont les lions de mer qui, sur la plage, remplacent les chiens pour nous tenir compagnie durant notre éphémère sommeil. Nous allons les saluer avant de continuer notre inexorable migration vers le Nord. Les abords de la ville de Caleta Olivia sont carrément pouilleux et donnent une bien glauque image du pays. La petite ville est à peine relevée par l’imposante statue d’El Gorosito, l’ouvrier avenant au regard pointé vers le Nord du pays qui est dépourvu des richesses pétrolifères connues ici.
Le contraste est saisissant avec la petite ville huppée de Rada Tilly, distante de quelques dizaines de kilomètres sur une R3 éclatée où nous nous arrêtons (à Rada Tilly, hein, pas sur la R3) au bout de la Costanera, un peu comme si on bivouaquait à Knokke au bout de la digue.
26 janvier 2016.
Nous sommes réveillés par le fracas des vagues contre les rochers près de nous : c’est marée haute. Ça tombe bien car une longue journée de route, ou une journée de longue route, nous attend. Nous traversons la grosse ville de Comodoro Rivadavia où nous nous arrêtons au musée du pétrole (wifi : museokm3). L’Argentine tire profit de ses ressources naturelles et extrait d’importantes quantités de pétrole soit par les forages classiques à faible profondeur (quelques centaines de mètres), soit par les forages non conventionnels à grande profondeur (entre trois et quatre mille mètres). Ces derniers sont même devenus une spécialité du pays qui rivalise ainsi avec la Chine et l’Algérie en volume de production pour cette technique.
Après cette visite intéressante, nous nous arrêtons quelques instants au Wal-Mart, l’enseigne qui avait jalonné notre conquête de l’Ouest américain il y a plus d’un an déjà. On fait des réserves avant de se lancer sur la route, qui n’offre que des lignes droites agrémentées de quelques courbes divertissantes et de centaines de kilomètres de clôtures en barbelé qui marquent les limites de propriété des estancias dont les moutons broutent les quelques touffes d’herbes épargnées par le vent, les cailloux et la poussière. Après six heures de route pour 420 kilomètres (pauses sandwiches et vidanges comprises), nous nous arrêtons sur le parking de l’office du tourisme de Gaiman, petite ville fondée par des immigrants gallois qui y bâtirent la première maison en 1874. Les Gallois émigrèrent dans cette région reculée de Patagonie afin d’y préserver leur identité culturelle, linguistique et religieuse. Ce sont surtout les salons de thé qui ont survécu, et en particulier l’art du tea-time, ce que nous sommes venus contrôler avec minutie. Nous voici vite attablés dans le plus vieux salon de thé de la ville, à déguster des pâtisseries maison accompagnées de thé servi à discrétion dans un service en porcelaine. C’est un régal, il n’en reste pas une miette et vu l’heure tardive, ça fait office de repas sucré.
27 janvier 2016.
La nuit fut agréablement fraîche, ce qui nous aide à supporter les 33 °C relevés en journée à l’intérieur du motorhome, vaguement à l’ombre. Après une petite séance de lettres cursives à main levée, les kets m’accompagnent à la découverte du village. Comme souvent, les guides, les brochures et les informations touristiques idéalisent les lieux, mais nous trouvons tout de même quelques belles maisons en brique d’époque, disséminées parmi les bâtisses quelconques, entre deux assauts d’une horde de chiens errants. Non contents de nous pourrir les nuits, ces canidés perturbent maintenant notre visite. Un ket dans chaque bras, je les tiens à distance. Heureusement qu’ils ne nous suivent pas jusqu’à la plaine de jeux.
28 janvier 2016.
On profite encore un peu du très bon Wi-Fi de l’office du tourisme, puis nous nous mettons en route, direction le Parque Paleontologico Bryn Gwyn (le coteau blanc en gallois) situé au bout d’une petite piste de trois kilomètres, en très bon état. Officiellement, le parc est fermé pour rénovation, mais le garde a pris l’habitude de ne pas refouler les visiteurs qui ont souvent fait une longue route pour y parvenir. Par contre, les informations sont très basiques et la plupart des fossiles datant du tertiaire ne sont plus exposés. Le paysage est très aride et contraste avec la vallée fertile, alimentée par le Rio Chubut. On se croirait dans les Badlands de l’Alberta qui regorgent également de fossiles d’animaux préhistoriques.
La promenade monte au sommet d’une colline sur laquelle différentes strates sont visibles, en particulier la terrible formation Gaiman, caractérisée par un amoncellement de coquilles d’huîtres. Quel gâchis, il n’y avait pas de vin blanc à l’époque. Le CC est resté sur le parking en plein cagnard, il y fait vraiment trop chaud pour manger. Nous reprenons la route provinciale 7 qui sinue à angles droits entre les champs, et nous nous installons à l’ombre d’un saule pleureur à Dovalon, petite ville également fondée par des Gallois, moins touristique que Gaiman (il n’y a pas de salon de thé), mais bien plus charmante. Je plonge les kets dans le petit canal d’irrigation pour un moment de rafraîchissement, en imitant les gamins du cru.
La nuit s’annonce difficile : il fait chaud et les mobylettes pétaradantes rivalisent au concours de celle qui polluera le plus nos poumons et nos oreilles.
29 janvier 2016.
Nous avons visité hier le terrain de chasse des paléontologues, nous allons aujourd’hui visiter le résultat de leur travail. Ça ne se passe pas au PASS, mais bien au MEF : le Musée paléontologique Egidio Feruglio. Le parcours dans le musée remonte le temps jusqu’à l’ère paléozoïque, soit 553 millions d’années avant J.C. (Jules César, Jacques Cartier ou John Connor, c’est vous qui choisissez). Les kets sont surexcités, ils veulent absolument savoir le nom de chaque spécimen de dinosaure dont le squelette est reconstitué, et surtout, si c’est un gentil ou un méchant.
Est notamment exposé le fémur du plus grand dinosaure jamais rencontré : 42 mètres de long pour 76 tonnes. A côté de ça, le motorhome des Castagna, c’est un cuistax ! De retour au CC, je laisse les kets avec une pile de feuilles blanches et deux boîtes de crayons, ils ont du boulot. Auprès d’eux, je laisse Catherine avec une casserole et des patates, elle a du boulot. Pendant qu’ils bossent, je fais les courses et je cherche le garage Iveco que je ne trouve pas. Par contre, je trouve que la mode féminine est au minishort. Vraiment mini. Princesse, où t’as mis mes lunettes de soleil ? Après le repas (saucisses-compote-purée, vous l’aviez deviné), nous décidons d’aller prendre l’air frais de la mer à Playa Union, une petite cité balnéaire proche de Rawson, la capitale provinciale. Nous n’y sommes pas les seuls, difficile de trouver un endroit calme pour la nuit. Nous rebroussons chemin et nous nous arrêtons presque par hasard sur le parking privé de la chapelle de Schoenstatt, du nom d’un missionnaire allemand, fondée par le Padre José Kentenich. Le jardinier est très accueillant et sincèrement impressionné par notre voyage et notre véhicule. Il ponctue poliment la conversation de nombreux « miercoles » (mercredi) pour ne pas dire autre chose.
30 janvier 2016.
Quelle journée de mercredi, je n’ai même pas envie de vous la raconter. L’Argentine commence à me taper sur le système. Les routes, les horaires, les chauffards, les clebs, les villes, les stations-service, le ripio, … Bivouac sur le parking du supermarché La Anonima de Sierra Grande. On fera mieux demain.
31 janvier 2016.
Aujourd’hui est un autre jour. Nous attaquons l’asphalte de la R3, le lecteur de DVD va chauffer. Certaines oreilles également. Première halte pour vider la WC-K7 le long de la route, je me suis fait une raison, faute de mieux. Les kilomètres défilent. Deuxième halte 8 minutes plus tard pour que les kets fassent pipi, ce n’était pas urgent 8 minutes avant, et c’est tellement mieux quand je viens de vider la cassette. Troisième halte à Las Grutas, cité balnéaire hyper fréquentée en ce dimanche du 15 août (c’est tout comme). Ça s’annonce bien : place à l’ombre dans une rue calme, avec le wifi d’un hôtel, proche du centre et libre de stationnement.
C’est évidemment trop beau pour être vrai : un pey de l’hôtel vient m’expliquer qu’on peut rester là un moment mais pas plus. Entendez « pas la nuit ». Pas grave. Si on veut éviter un bivouac YPF (ça ne vaut pas une Copec), la prochaine destination n’est qu’à 226 kilomètres. Un moment plus tard donc, quatrième halte à la station d’essence : 28 minutes de patience sous le cagnard pour faire le plein. Tout va bien.
Les kilomètres défilent et se ressemblent. Cinquième et dernière halte au Balneario El Condor, en haut d’une falaise truffée de nids de perroquets colorés. A part les volatiles et les vagues, c’est calme.
1er février 2016.
Le phare de Rio Negro, premier phare continental de Patagonie qui a été inauguré le 25 mai 1887, a veillé sur nous toute la nuit et ce sont les perroquets, des cyanoliseus patagonus pour être précis, qui accompagnent notre réveil. Les falaises du Balneario El Condor abritent la plus grande colonie au monde de ce type de perroquets, quelques trente-cinq mille nids, abritant des couples unis pour la vie, ayant été recensés sur douze kilomètres de falaise.
On a pas mal roulé ces derniers jours, nous décidons de passer la journée tranquillement, en scrutant l’océan et en observant les volatiles du haut de notre poste d’observation. En longeant la plage à marée basse, je pars en ville faire un update et, comme un gamin, je m’amuse à m’approcher des falaises pour voir s’envoler les perroquets par dizaine alors que le soleil se couche.
2 février 2016.
Il n’y a qu’à rouler. 330 kilomètres sous le soleil, jusqu’à Bahia Blanca où nous remplissons une bonbonne de gaz (-38.74003, 62.29873) puis nous traversons la ville et nous nous arrêtons sur le parking d’un grand centre commercial, toujours en plein soleil. Il y a 33 °C dans le motorhome, nous ouvrons toutes les fenêtres et je déroule même l’auvent (imaginez une fois ça sur le parking du Westland). Par acquis de conscience, je me présente au gardien et lui demande si on peut rester là cette nuit. Face à cette importante question existentielle, il appelle son chef. Celui-ci opte pour l’appel à un ami, le directeur himself du Bahia Blanca Plaza Center. Ce dernier arrive, vêtu de sa belle chemise Dior : oui, on peut rester et oui, c’est son dernier mot.
Vers minuit, un gros camion bruyant vient se poster pile à côté de nous, alors que l’énorme parking est désert. Ça fait partie des phénomènes paranormaux que j’ai relevé pendant notre voyage, comme la bouteille de gaz qui ne se vide que durant la nuit quand il pleut, comme les kets qui se chamaillent les cinq dernières minutes de n’importe quel trajet, quelle qu’en soit la durée (même quatre minutes), ou comme le bivouac de rêve qu’on nous a promis qui est au bout d’un chemin de cent mètres impraticables.
3 février 2016.
Nous allons aujourd’hui commettre une grave infidélité. Alors que nous suivons la Ruta 3 depuis Ushuaia sur près de 2.400 kilomètres déjà et qu’il nous en reste 700 pour arriver à Buenos Aires, nous la délaissons à la faveur des RN33 et RP76, non pas qu’elles soient en meilleur état, loin de là, mais la dernière traverse le Parque Provincial Ernesto Tornquist et la région montagneuse du Cerro Ventana qui culmine à 1.136 m au-dessus du niveau (conventionnel) de la mer. C’est pour nous la promesse de beaux paysages et d’un peu de fraîcheur après la monotonie de la Patagonie et la chaleur Pampa. Nous arrivons tardivement au centre des visiteurs ombragé et herbeux, l’endroit parfait pour un bivouac, qui nous sera toutefois refusé par les guardaparques. Nous décidons néanmoins de rester pour faire les ballades demain. Les kets passent l’après-midi à l’extérieur sous les cèdres du Liban, après toutes ces longues journées de route, ça leur fait du bien, et nous discutons avec une charmante famille de Buenos Aires, en leur montrant le livre d’images de la Belgique, dont ils ne connaissent que la bière et quelques joueurs de football. Figurez-vous que, mine de rien, avec ses 2.766.890 km2, l’Argentine est nonante et une fois plus grande que notre plat pays, dont le point le plus élevé, le Signal de Botrange à 694 m d’altitude, est dix fois plus bas que celui du sommet des Amériques et la fierté des Argentins, j’ai nommé : l’Aconcagua.
4 février 2016.
Je pensais, en m’endormant cette nuit, qu’on avait bien fait de rester là, malgré l’interdiction. Je n’aurais simplement pas dû demander l’autorisation, c’est le meilleur moyen d’essuyer un refus. Pourtant, nous finirons par quitter les lieux de notre propre chef au milieu de la nuit, sous les lumières d’éclairs du tonnerre de feu, ou de Dieu, je ne sais plus. On se serait cru sous le stroboscope du Carré à Willebroek à la Grande Époque (une autre vie avant mes kets et mon épouse). De minuit à six heures, les éclairs et coups de tonnerre ont déflagré (oui, oui : « déflagré », avec la mise en application de la nouvelle orthographe qui date de 1990, tout est permis aujourd’hui) dans le ciel, libérant une énergie électrique colossale. On était d’ailleurs sous tension et j’étais bien sûr au courant que le motorhome, garé sous de grands arbres, ne nous offrirait qu’une maigre protection si un éclair venait à tomber sur l’un d’eux. Nous allons donc nous installer devant le bureau de l’office du tourisme de Villa Ventana (wifi : turquesa, code : mariposa).
L’humidité aidant, il fait encore plus douf au réveil, nous montons néanmoins jusqu’au Mirador du Cerro Ventana avec le motorhome avant de retourner au centre des visiteurs du parc où nous pouvons prendre des douches bien froides et faire jouer les kets à l’extérieur. En fin de soirée, rebelote, le ciel s’électrise, nous retournons à l’abri (en fait : à découvert) devant l’OIT de Villa Ventana.
5 février 2016.
Le village qui nous accueille est bien paisible en semaine. De larges rues défoncées en terre et cailloux mènent à une bonne boulangerie et à une petite plaine de jeux. L’air reste frais, je fais mes réserves pour les prochaines semaines qui s’annoncent torrides, sans vouloir mettre en cause la nuisette soyeuse de mon épouse.
6 février 2016.
Les kets ont admiré hier un beau bus 4×4 qui emmène les touristes en excursion jusqu’à l’ex Club Hotel de la Ventana. Ils ont été sages toute la journée : lettres cursives, beaux dessins, autocollants et jeux de société. Ils ont bien mérité … Bon, je vais arrêter de vous baratiner. Ce qui nous attend pendant les deux prochains mois, ce sont des températures comprises entre 30 et 35 degrés Celcius la journée, et à peine moins la nuit, agrémentées d’un taux d’humidité relative qui va me contraindre à boire des bières qui ne seront pas assez fraîches car le frigo trimixte rame dans de telles conditions. Ce sont aussi des milliers de kilomètres (sans airco) et encore beaucoup, beaucoup plus de moustiques, si pas carrément la dengue et/ou le virus Zika, très à la mode en ce moment. Alors, l’aventure, les belles photos qui font rêver et un carnet de voyage fourni, d’accord, mais un peu de répit d’abord. Certes, il nous tarde de retourner à Buenos Aires et de découvrir les chutes d’Iguazu, mais mon seuil de tolérance à la chaleur humide nous freine fortement. Nous passons donc quelques jours à ne rien faire, ne pas trop visiter, juste profiter du paysage et de la vie, ce n’est déjà pas si mal. Et, pour le plus grand plaisir des kets qui ont été adorables donc, nous prenons aujourd’hui le temps de faire une excursion que les autres overlanders ne font jamais : le gros bus tout terrain qui grince de partout pendant son off-road total (à côté de la petite piste en parfait état) nous menant devant ce qui fut de 1911 à 1913, le plus bel hôtel de l’Amérique du Sud, égalant le faste du Titanic et fréquenté par la richesse européenne. La Première Guerre Mondiale fut à cet hôtel de qu’un iceberg fut au Titanic, et il sombra dans l’oubli. C’est incroyable de constater avec quelle rapidité le faste peut être réduit à néant. On est bien peu de chose, n’est-ce pas.
7 février 2016.
Vraiment bonnes, les couques de la boulangère. Les kets m’accompagnent pour faire leurs choix, on les achète à la douzaine. On sait qu’on va beaucoup rouler prochainement, on occupe donc les kets avec des activités qu’on ne fait qu’à l’arrêt : plaine de jeux, dessins, jeux de société et lettres cursives.
8 février 2016.
Petite journée relax. Nous retournons au centre des visiteurs du PP Tornquist, bien installés à l’ombre et décidés à y passer une nuit complète. Petite promenade et jeux d’extérieur avec les kets.
9 février 2016.
Nous sommes réveillés par Valentin qui fait semblant de chialer parce qu’il en a marre de rester au lit, quelle fripouille. Mais ça tombe bien car j’avais prévu de me lever tôt pour faire l’ascension du Cerro Bahia Blanca. Sans assistance et en solitaire, je réalise l’aller-retour en moins d’une heure, les connaisseurs apprécieront l’exploit. Le sentier est escarpé, rocailleux et assez raide, mais l’effort vaut le coup : je suis accueilli au sommet à 739 m d’altitude par une petite brise fraîche et un superbe panorama de la petite cordillera du Cerro de la Ventana.
De retour au CC, je m’occupe des kets (dessins, baballe et cache-cache) et je refixe une planche de la cuisine « qui s’est déboitée toute seule », comme me l’assure mon épouse avec ses beaux yeux verts innocents. Elle sait pertinemment qu’aujourd’hui c’est notre anniversaire de mariage, je ne peux donc pas lui jeter l’opprobre (je garde ça pour demain). Nous retournons au village où nous nous offrons una picada : un grand plateau rempli de salaisons et de fromages (une reuze assiette mixte, en fait) que nous partageons en famille.
10 février 2016.
Déjà une semaine que nous traînons dans les parages. Comme un habitué des lieux, Alexis passe derrière le comptoir de la boulangerie pour choisir les couques une à une. Puis, on roule sous le soleil en écoutant les histoires de Marlène Jobert. Hé oui, Messieurs, celle qui faisait rêver les plus anciens d’entre vous fait aujourd’hui rêver ma progéniture, dans un autre registre. Arrêt au Walmart de Olavarria, les pneus du camion écrasent des scarabées aussi gros que ceux de Koh-Lanta et j’admire au passage quelques insectes que je n’avais vu que dans les musées jusqu’alors. Nous poursuivons jusqu’à Azul où nous arrivons en fin d’après-midi. Le camping municipal est moyen, nous préférons bivouaquer face au balneario, évidemment bruyant. La municipalité a aménagé les abords d’une petite retenue d’eau et vu la chaleur, c’est bondé. Un peu comme si les Étangs Mellaerts servaient de pataugeoire.
11 février 2016.
Le CC est judicieusement placé à l’ombre de grands arbres, de sorte qu’au plus fort de la journée, nous ne relevons que 33°C dans l’habitacle. Autant j’aime quand c’est chaud, autant je supporte mal quand il fait chaud ! Ça ne m’empêche pas de laisser les kets se défouler à la plaine de jeux et de faire le tour de la ville, plus quadrillée par les rues que par la police, et, de ce que j’en ai vu, sans intérêt.
12 février 2016.
Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi. Pourquoi les motocyclettes font plus de bruit que les camions et pourquoi les chiens ne dorment pas la nuit ? Avec encore 27°C dans le CC ce matin au réveil et déjà 33°C cet après-midi (à l’ombre), j’ai le cerveau qui se liquéfie et la gorge sèche rien qu’en écrivant ces quelques lignes. On pensait rouler un peu et se rapprocher de Buenos Aires pour arriver ce week-end, mais on s’installe sous de grands arbres de la station YPF à Azul. Cela fait aussi partie du voyage, découvrir des petites villes comme il y en a tant d’autres et de s’adapter en fonction des conditions. Conditions changeantes d’ailleurs, il ne faut pas longtemps avant que le ciel ne nous tombe sur la tête. Bon, je vais finir par devenir un vieux con (qui ose dire que c’est déjà fait) à vous raconter la météo comme ça. Si tout va bien, on sera à Buenos Aires demain soir et on pourra reprendre le fil de nos visites.
13 février 2016.
Cette fois, c’est la bonne. 316 kilomètres nous séparent de Buenos Aires, on le sent bien, les kets sont calmes, ma femme est sage, presque docile, et nous traçons la route jusqu’à la Capital Federal, non sans avoir bien rempli le réservoir d’eau et tous les bidons car nous avons appris que les nombreuses fontaines à eau du quartier Puerto Madero ont été condamnées. Nous optons pour la RN205, l’autoroute urbaine à péage qui en ce samedi après-midi est peu encombrée et mène en plein centre ville.
Évidemment, tout ça se passe trop bien. En arrivant à destination, nous constatons que les rues sont bordées de New Jersey (ndlc : des chasse-roues) que des tas de pneus protègent les tournants. La police nous explique que c’est ici que s’est déroulé le Grand Prix de course automobile (le week-end passé) et qu’ils n’ont pas encore fini de tout dégager. Pas grave : tel Thierry Boutsen, je pousse sur le champignon, je vire à fond dans la chicane et je termine en frein à main sur le raidillon, nous voilà bien installés devant la paroisse de Notre Dame de l’Espérance. Qu’espère-t-elle, je n’en sais rien, sûrement pas que je finisse croyant, Dieu m’en préserve. Avec les kets, on nettoie la plaine de jeux, remplie de clous et de visses, pour qu’ils puissent courir sans se percer les petits petons. La rue est formidablement calme en cette fin d’après-midi, ce n’est que vers onze heures (de la nuit) que ça commence à s’animer, j’avais oublié qu’on est samedi.