5 mars 2015.
Nouveau pays, nouveau passage de frontière. De cette expérience qui a mis mes nerfs et mon esprit (plus ou moins) logique à rude épreuve, je ne retiendrai que trois choses : nous n’avons pas de fièvre, j’ai fait rire toute l’assemblée quand j’ai demandé si c’était fini maintenant ou s’il fallait encore quelque chose et j’ai retrouvé l’original de mon permis de conduire international, évitant ainsi à Catherine de devoir prendre le volant. Le reste importe peu (ou prou) au fond. Per aspera ad astra.
Au moins la route qui suit est nickel et nous arrivons vite à Esteli où nous parquons le CC devant un centre commercial. La ville est petite et nous en faisons vite le tour, avec une étape à l’office du tourisme qui est bien fourni en cartes et documentation. De retour au CC, nous sommes fatigués et décidons de rester là pour le bivouac, nonobstant l’avis défavorable du chef du chef du chef du garde qui patrouille en vélo et à qui j’avais demandé la permission. On ne rigole pas avec la hiérarchie ici, c’est pire que dans les Administrations bruxelloises (salut les gars).
6 mars 2015.
Heureusement, la nuit fut fraîche et nous n’avons pas été dérangés. Nous sortons de la ville vers le sud et laissons tomber le crochet jusqu’à la cascade d’Estanzuela : d’autres voyageurs recommandent un 4×4 pour y accéder et effectivement de visu, la piste nous fera rebrousser chemin. Nous arrivons alors assez vite à Matagalpa, avec seulement un casse-vitesse en 80 km, et nous longeons des fabriques de café où les grains sont mis à sécher au soleil.
Nous pouvons garer le motorhome en plein centre-ville et j’avise le gardien de notre intention passer la nuit sur place, un petit billet jaune achèvera de le convaincre. Nous commençons la visite par le Museo del Cafe, libre d’accès mais un peu sommaire, et poursuivons par une mise en pratique face au Parque Dario qui abrite une statue du célèbre poète Ruben Dario. Ça réveille (le petit serré nica, pas le poète qui est au pays du sommeil éternel).
Chemin faisant, nous croisons une manifestation de femmes pour les femmes. Je crois qu’elles revendiquent plus de libertés, et je suis bien d’accord avec elles : qu’on agrandisse les cuisines (houlà, ça va chauffer)! Nous remontons ensuite la calle de los Bancos jusqu’au Parque Morazon et la cathédrale San Pedro pour terminer au restaurant italien La Vita e Bella dans une petite ruelle isolée, un régal. L’après-midi, c’est l’école dans le motorhome : Valentin s’applique consciencieusement à écrire les lettres de l’alphabet tandis qu’Alexis termine le livre moyenne section avec l’apprentissage de la notion de syllabes. La pluie apporte un peu de fraîcheur et la température redescend sous les 25 °C.
7 mars 2015.
Nuit bruyante à souhait, entre le concert du zocaló et les pochtrons de service. La prochaine sera plus calme : nous montons à la Finca Selva Negra, un hôtel dans une réserve naturelle, nommée ainsi par un allemand (monsieur Hans Bosche, ça ne s’invente pas) à qui les lieux rappelaient sa Forêt Noire natale. Des sentiers de randonnée sont aménagés et on peut voir des animaux, notamment des singes hurleurs dont les cris sont très impressionnants.
Profitant de la fraîcheur, Catherine enfourne un pain que nous dégustons avec une rawette de camembert produit à la ferme, puis avec une grosse cloutch de Nutella produit dans une usine d’huile de palme. Je n’aurais pas refusé une slouske de vin rouge en accompagnement, mais je me contente d’un verre de lait.
8 mars 2015.
Nuit calme et fraîche, juste perturbée par quelques animaux sauvages dans la forêt toute proche. Un peu à contrecœur, je l’avoue, nous quittons la fraîcheur de cette région montagneuse pour la chaleur sèche de la chaîne de volcan qui coupe le pays. La route qui nous mène jusqu’au volcan Masaya est en bon état et nous fait littéralement plonger dans la fournaise des plaines. Pas vraiment fatiguante, l’ascension du volcan se fait CC, une route menant jusqu’au cratère d’où s’échappent d’importantes quantités de gaz.
Le volcan Masaya est constitué d’un complexe de cratères, dont le principal est encore en activité. De retour au musée, où nous pouvons bivouaquer cette nuit, nous découvrons l’exposition très didactique relative aux volcans. Malgré la chaleur intense, les kets courent dans tous les sens, mais une douche fraîche dans le CC les calmera. Une famille de québécois nous rejoint pour la nuit : ils sont à 6 dans leur CC américain et nous envient nos modèles européens, bien mieux agencés.
9 mars 2015.
En descendant du volcan, nous traversons la petite ville de Masaya où je remplis le jerrican d’eau potable (20 l) qui se vide à une allure folle en ce moment. En conduisant, je me tiens à carreau car je sais que la police du pays est toujours à l’affût d’un dindon, et je n’aime pas trop leurs farces qui m’ont été rapportées par d’autres voyageurs. Pour le moment, je suis un des rares conducteur de casa rodante qui n’en ait fait les frais. La laguna Apoyo n’est qu’à quelques kilomètres et nous y trouvons un bivouac à côté d’un resort qui nous accueille, moyennant consommation au restaurant. Ça tombe bien, vu la chaleur, je n’ai pas la moindre envie de cuisiner (pfft), Princesse non plus. La vue sur la lagune est superbe, mais nous travaillons, mes fils et moi-même, dans des conditions difficiles qui témoignent de notre pugnacité, face à ce plan d’eau de 6 km de diamètre, formé par l’explosion d’un cratère, aujourd’hui classé réserve naturelle, des espèces de poissons endémiques y ont été récemment découverts, indépendamment du fait que nous nous y soyons baignés. Il fait franchement pétant de chaud, mais l’air sec et le vent rendent cela supportable. Et la piscine d’autant plus.
10 mars 2015.
Encore un petit plongeon rafraîchissant, puis nous prenons la route de Granada, belle ville coloniale fondée en 1524 par les espagnols. Nous arrivons au bivouac agréable dans l’enceinte de la Croix Rouge ou l’accueil est chaleureux, nos hôtes se coupent en quatre pour améliorer notre installation.
Les québécois qui nous avaient parlé des lieux sont déjà sur place : ils attendent pour récupérer le permis de conduire de Madame, confisqué par un policier pour un motif douteux. Avant d’aller se promener dans le centre, je relève 36°C dans l’habitacle.
C’est donc complètement amorphes que nous découvrons cette agréable cité lacustre, située en bordure du lac Nicaragua. On s’offre une grande glace, puis une grande bière pour tenir le coup, pas facile la vie de touriste. On s’étonne tout de même de voir une reconstitution de Lourdes dans la cathédrale, mais c’est peut-être l’effet de la chaleur.
De retour au CC, une âme charitable vient m’aider à bidouiller le filtre à diesel qui fuit de plus en plus. Résultat, ça fuit toujours, mais je sais où et je sais ce qu’il advient de faire : laisser faire les pros, direction le garage Iveco de San José.
11 mars 2015.
Écrasé par la chaleur, je trace la route à la recherche de fraîcheur, mais nous n’en trouverons pas. Premier arrêt au Maxi Pali (supermercado) de Rivas où j’aurais dû rester toute la journée : il y avait l’airco. Puis nous allons à San Jorge, petit bled au bord du lac Nicaragua, mais un vent de tous les diables soulève le sable et les volcans de l’île Ometepe sont dans une brume épaisse, donc invisibles. On pourrait aller sur l’île en bateau, mais ça secoue pas mal et les requins bouledogues qui peuplent ce lac d’eau douce de près de 8.300 km2 n’aimeraient pas qu’on ait le mal de mer, ou plutôt de lac. Nous poursuivons alors jusqu’à San Juan del Sur et retrouvons le Pacifique quitté au Mexique après notre passage en Baja. La petite ville balnéaire est agréable, colorée et touristique, mais il n’y a pas de place à l’ombre près de la plage et le frigo du CC commence à ramer, de même que Valentin qui a un coup de chaleur. Direction la plage de Marsella par une piste poussiéreuse et caillouteuse, tout ce que j’aime. Nous nous arrêtons au Mango Resort où nous pouvons rester pour la nuit, il fait 35°C dans le CC mais il y a une piscine et un peu de vent. On va se pencher sur la suite de l’itinéraire pour assurer l’entretien du porteur Iveco au plus vite et pour rencontrer des températures qui nous conviennent mieux.
12 mars 2015.
C’est donc sans regret que nous quittons ce pays de 130.000 km2 comptant 5,8 millions d’habitants qui font toute la richesse de ce pays. Gentils, accueillants et sincèrement serviables, j’en ai encore la preuve ce matin, alors que nous sortons le CC de la piste caillouteuse à souhait (ou pas d’ailleurs), je m’arrête pour retirer une grosse pierre coincée entre les roues jumelées, il ne faudra pas deux minutes pour qu’un gars à moto vienne me donner un coup de main (les motards sont sympas), mais il faudra que je sorte le cric et que je desserre la roue externe pour en venir à bout. Prenant la direction du poste de frontière de Peñas Blancas, sur la Panaméricaine, nous longeons le lac Nicaragua et un parc éolien. Sur plusieurs dizaines d’éoliennes, il y en a tout de même une pliée en quatre (au sens propre) et une autre dont l’hélice est complètement skettée, mais le vent fait turbiner les autres.
La réjouissance du jour, c’est le passage de frontière, on est rôdé maintenant. Catherine gère les kets pendant que je gère les douaniers, et au besoin, je les fait venir en les appelant à l’aide du talkie-walkie. En bref, pour sortir du pays, il faut du temps et des dollars, comme quoi le temps n’est pas toujours de l’argent. Le plus marrant, c’est de trouver « El Inspector con la camiseta azul », l’agent en charge de l’inspection du véhicule qui doit signer un papier que j’ai reçu à l’entrée de la douane et qui joue à cache-cache sur le parking. Mieux vaut le trouver avant de commencer à faire la file …