11 août 2015.
Si l’accueil côté bolivien n’est pas très chaleureux, il a au moins le mérite d’être rapide. Nos passeports sont vite tamponnés et l’importation temporaire du camion ne prendra que quelques minutes, consacrées principalement à l’impression des documents : le fonctionnaire s’était trompé de prise USB pour l’imprimante, il n’a qu’à passer au sans fil ! Entre-temps, c’est déjà l’heure de l’almuerzo, aussi il n’y a aucun agent pour écarter les cônes qui barrent le chemin, le CC se faufile donc discrètement entre les obstacles, ni vu ni connu, on évitera ainsi le traditionnel bakchich dont nous ont fait écho d’autres voyageurs motorisés. Quelques kilomètres plus loin, nous arrivons à Copacabana, petite cité lacustre mondialement réputée pour ses baptêmes de véhicules de toute sorte et pour ses couchers de soleil sur le lac Titicaca, berceau de la civilisation Incas. Nous nous installons devant le camping Suma Samawi et pas dedans car le CC ne passe pas le portail (il faut couper un arbre, ce qui nécessite un permis d’urbanisme et tout le tsoin-tsoin, salut les gars). Nous pouvons néanmoins utiliser les services du camping, pour une bouchée de pain. On a même droit à l’électricité, il ne manquait que ça pour me décider, je vais acheter une « estufa », un petit chauffage électrique de deux fois 400 W, ça maintiendra la chaleur dans l’habitacle sans consommer de gaz et vu la couverture nuageuse, ça sera nécessaire pour tenir le coup (pas de soleil pour réchauffer le CC). Manque de pot, vers 22h, c’est la panne d’électricité générale, tout le village semble être touché, sûrement en rapport avec l’orage qui gronde, il faudra déjà se passer de notre petit chauffage d’appoint cette nuit.
12 août 2015.
Toujours pas de courant ce matin, je lance donc la chaudière au gaz, heureusement qu’elle est fonctionnelle à cette altitude (3.810 m). On avait prévu une excursion à la Isla del Sol, mais vu ce qui tombe (pluie, neige et grêle) on reste sagement au motorhome, à peine réchauffé par le gaz qu’on fait tourner à l’économie vu que la panne d’électricité persiste. Difficile d’occuper les gamins toute la matinée, mais on tient le coup jusqu’à l’éclaircie tant attendue. Nous passons à l’agence pour valider nos tickets de croisière pour demain et nous montons admirer la vue en haut du Calvario au sommet du Cerro San Cristobal.
Ce dernier porte bien son nom, c’est un réel calvaire d’arriver en son sommet à 4.018 m d’altitude, soit deux cent mètres d’ascension sur un escalier cabossé et glissant, jonché d’immondices et très fréquenté par des pèlerins qui jettent une petite pierre à chaque station du chemin de croix. L’endroit est donc un important lieu de pèlerinage, mais à la mode locale : alors que nous nous approchons du point de vue près de quelques manants, nous voici arrosés de bière, Alexis et moi, sous prétexte qu’une cérémonie est en cours. En fait, la cérémonie en question consiste à projeter de la bière en l’air en récitant des incantations divines.
Pas de bol, on passait par là et je ne suis manifestement pas le messie tant attendu. J’ai l’impression de revenir d’un TD. Heureusement, le courant est rétabli, je vais pouvoir prendre une douche chaude au camping et réchauffer le CC sans retenue avec l’estufa électrique. Bref, une petite journée qui se termine en beauté avec un coucher de soleil dont vous me direz des nouvelles.
13 août 2015.
Par Toutatis, on a bien cru que le ciel allait nous tomber sur la tête cette nuit, le tonnerre a grondé avec vacarme et la flotte a tambouriné toute la nuit sur notre tête. Seuls nos deux petits anges n’ont rien entendu, au moins quand ils dorment, c’est pour du bon. Malgré le mauvais temps, nous rejoignons l’embarcadère et montons dans un vieux rafiot couvert, mais qui coule de partout (enfin, sans sombrer tout de même).
Muni de ses deux puissants moteurs tournant au ralenti et manœuvrés du bout du pied par son capitaine, l’esquif nous dépose au nord de l’île du Soleil où seraient (sont ? ) nés les fondateurs de la ville de Cuzco, Manco Capac et Mama Ocllo les enfants mêmes du Soleil. Entre-temps, nous bénéficions d’une éclaircie et c’est tant mieux vu que nous allons traverser l’île dans sa longueur pour rejoindre le sud huit kilomètres plus loin. Agréable, la promenade suit un sentier bien aménagé mais glissant, eu égard aux conditions climatiques, qui monte doucement à plus de 4.000 m et qui traverse quelques villages de maisons d’adobe où les insulaires nous saluent cordialement.
Le crachin refait son apparition et nous trouvons refuge dans un petit resto réchauffé par le four à pizza, que nous alimentons bien entendu (promis, la prochaine fois on prendra une truite). Il ne reste plus qu’à redescendre jusqu’à l’embarcadère pour reprendre notre bateau pourri qui se traîne comme une limace, nous passons au ralenti devant l’île de la Lune, connue pour être le lieu de la naissance de la Lune à l’initiative du dieu-créateur Viracocha, lui-même sorti du lac Titicaca. Le pilote nous fait le coup de la panne en plein milieu du lac (tiens, ça réveille tout le monde dans le bateau) mais nous dépose finalement sous la pluie à bon port, dans des relents de carburants (ne prenez surtout pas le bateau de la compagnie Andes Amazonia). Je trace jusqu’au CC pour mettre le chauffage à vollenbak et accueillir femme et enfants comme il se doit.
14 août 2015.
Pas d’orage ni de pluie cette nuit, le beau temps est revenu. Nous quittons Copacabana avec pour objectif d’arriver à Tiwanaku, nous ne savons pas encore ce qui nous attend. Pour arriver au mystérieux site précolombien, deux solutions s’offrent à nous : soit retour au Pérou et nouvelle frontière à Desaguadero, soit bac pour quitter la péninsule et détour par La Paz. Ayant déjà annulé l’importation temporaire du CC au Pérou, nous optons pour la deuxième solution. Au début, la route est en excellent état et nous offre des vues splendides sur le lac Titicaca et sur la Cordillère Royale, une série de pics blancs dépassant les 5.000 m. La bonne route s’arrête comme ça au milieu d’un village au bord du détroit de Tiquina. Seul moyen pour traverser et continuer : un bac, ou plutôt un ersatz de barge sur laquelle il faut s’engager.
Catherine n’en mène pas barge (oups, large), je fais de mon mieux pour la rassurer : « t’inquiètes, c’est bon, ça passe ». Et de fait, si tant d’autres sont passés avant nous, on passera aussi. Nous retrouvons la terre ferme et la route de Tiwanaku qui nous oblige à passer par la capitale. Au début, tout va bien, puis ça se complique : des travaux, des desvios, et l’entrée dans la ville animée qui donne l’impression de rouler rue de Brabant pendant 15 kilomètres. En pire. « J’ai mal aux pneus » me dira mon épouse.
Entre-temps il se fait tard et on comprend vite qu’on n’arrivera pas au site archéologique aujourd’hui. Pas grave, soyons flexibles, nous changeons d’objectif et visons un bivouac sur le parking de l’aéroport, situé à El Alto et dont la piste atteint 4 kilomètres de long pour compenser le manque de portance en raison de la raréfaction de l’oxygène (c’est bien ça, Jon ? ). La route est barrée et trois détours chaotiques plus loin, on comprend vite qu’on n’arrivera pas à ce bivouac aujourd’hui. Pas grave, soyons flexibles, nous changeons d’objectif et visons le camping de l’hôtel Oberland, situé à l’autre bout de la ville, bien connu des overlanders. S’en suit une descente vertigineuse depuis El Alto, le quartier populaire de la capitale jusqu’à la Mallasa, le quartier bourgeois situé 800 mètres plus bas. En quelques kilomètres, on descend tout le relief de la Belgique en traversant le centre-ville embouteillé. Ça use, mais cette fois on arrive à destination à la nuit tombée. Il est 19h, on a roulé huit heures non-stop (enfin, vu les travaux et embouteillages, c’est relatif) pour parcourir 168 kilomètres.
15 août 2015.
L’hôtel-camping est pas mal, mais le wifi n’est pas performant, ce n’est pas ici qu’on fera la mise à jour du site. Nous conversons avec un couple allemand qui voyage avec une tente-remorque tirée par une vieille berline Mercedes, puis nous prenons un collectivo qui nous mène droit à la station de téléphérique. Vu le relief accidenté de la ville, il n’y a pas moyen de construire un tramway ou un métro, c’est donc le téléphérique flambant neuf, réalisé par des Suisses, qui assure le rôle de transport public. Trois lignes sont déjà en service et d’autres sont en construction. Pour nous, il s’agit juste de faire un aller-retour pour jouir des vues sur la ville enclavée dans un canyon aride, dominé par les montagnes aux sommets blancs. Nous nous promenons ensuite à la Plaza España avec sa belle plaine de jeu (ça faisait longtemps), au Monticulo avec sa chapelle et à la Plaza Abaroa avec son trafic dense. Nous y mangeons quelques saltenas avant de faire des courses dans un Hipermaxi, incroyablement bien achalandé (il y a même de la Stella), puis nous rentrons au camping. Les kets au lit et les parents au resto.
16 août 2015.
Aujourd’hui ma femme a 35 ans. Après avoir soufflé ses (sa) bougie(s), la vieille (oups, la belle) veut aller à Tiwanaku. Les kets ne sont pas très chauds, mais bon nous voilà partis pour deux heures de trajet jusqu’à la mystérieuse cité précolombienne. On ne sait que très peu de chose sur le site et la civilisation qui l’a bâti. Les chercheurs cherchent. Pour nous, c’est le dernier site préhispanique majeur que nous visitons. Situé sur la plaine de l’Altiplano battue par le vent, la cité a été fondée par les Tiwanakus bien avant les Incas, ces derniers n’ayant finalement dominé le sous-continent qu’une centaine d’année, jusqu’à l’arrivée des Conquistadors.
Enigmatique, le site a servi de support à la bande dessinée Tintin et le Temple du Soleil, dans laquelle l’amalgame est fait avec la civilisation Inca. Après la visite du site et de ses musées, nous rentrons au camping, c’est qu’on a un anniversaire à fêter, nous. Les kets au lit, les parents au resto pour une très bonne fondue suisse, arrosée de Riesling bolivien (oui, ça existe et c’est loin d’être mauvais).
17 août 2015.
Aujourd’hui c’est lundi, je vais enfin pouvoir souscrire à la dernière assurance pour le camping-car. En effet, il est possible ici d’assurer le véhicule non seulement pour la Bolivie, mais également pour les pays limitrophes et l’Uruguay, ce qui nous couvre donc jusqu’à la fin du voyage (à vos mappemondes). Pour de telles formalités, par besoin de monopoliser toute la famille, les kets préfèrent jouer et Catherine se reposer (ben oui, avec un an de plus). J’arrive dans les bureaux de l’assurance Illimani (pour ceux que ça intéresse : Bâtiment Municipal, n°233 calle Loayza, 10ème étage, GPS :-16.499094, -68.133385). Ça fait d’ailleurs bizarre de voir des gens en costume-cravate, j’ai l’impression d’être de retour au boulot (salut les gars). Je remplis quelques menus formulaires et comme je dois repasser en fin d’après-midi pour récupérer les papiers, je décide de rester en ville pour faire un peu de tourisme, ça me changera. Je commence par la Plaza Murillo, dominée par le palais présidentiel et la cathédrale. Étonnamment, cette dernière est quasi vide alors qu’un office est en cours. Ce n’est pas moi qui compléterai l’audience, vous vous en doutez. Je remonte ensuite les ruelles pentues jusqu’à la Calle Jaen, probablement la plus jolie rue de la ville, un ensemble de petites maisons bien restaurées qui abritent des musées. Je m’attarde au musée des instruments de musique qui met le charango à l’honneur.
C’est la petite mandoline typique qui a fait la gloire d’Ernesto Cavour Aramayo, le fondateur du musée. Puis je quitte cette ruelle agréable mais pas représentative de la réalité de cette ville. J’avais repéré un bon resto pour l’almuerzo, j’y passerai une bonne partie de l’après-midi entre le wifi et le Lonely Planet. Il me reste encore un peu de temps, je vais méditer un peu dans la basilique San Francisco avant de passer au « mercado de las brujas », le marché des sorcières. Pas grand-chose à voir en fait, il y a plus de touristes que de fœtus de lama. Voilà, c’est l’heure, je récupère les papelards et je rentre auprès de ma petite famille juste à temps pour le câlin des kets qui vont au lit. Catherine insiste pour nous inviter au resto, j’accepte par politesse.
18 août 2015.
Nous avions décidé de partir tôt pour arriver à Potosi, mais c’est rapado : le linge porté à la lavanderia n’est pas sec. On se met quand même en route en fin de matinée, sortir de la ville et remonter à El Alto sera plus facile qu’à l’arrivée : nous avons repéré une petite route (asphaltée, via la laguna de Achocalla) de contournement qui nous évite de repasser par le centre-ville. Une fois passé la périphérie urbaine, la chaussée est en excellent état et nous mène rapidement jusqu’à Oruro, grosse bourgade de province sans intérêt pour nous, si ce n’est d’y faire notre premier plein de diesel dans ce pays. Nous savons déjà que les ravitaillements sont parfois difficiles (pénurie de carburant, refus de service) et qu’en plus, les étrangers payent le triple des locaux. Ici, le pompiste me propose d’emblée un compromis : le double du prix affiché, sans facture. Pour nous c’est d’accord, on est déjà soulagé d’être servi. C’est le moment de sortir mon stock d’additif pour carburant, le diesel a la réputation sulfureuse ici, et le moteur n’aime pas le souffre … Nous repartons et trouvons un bivouac calme sur une place de village.
19 août 2015.
Nous reprenons la magnifique route avec ses airs de Far West américain, jusqu’à Potosi où nous avons les coordonnées d’un point bivouac dans le centre. Pas facile de circuler dans cette ville à plus de 4.000 m, dont les rues sont bien pentues, mais en passant par la gare et la calle Villazon, ça passe en douceur pour parvenir à la Résidence Copacabana, point de bivouac connu qui accepte les motorhomes sur son petit parking. Par contre, c’est cuit pour aujourd’hui, le parking affiche complet, et nous ne trouvons aucune option dans les environs. Pas grave, on passe au plan B : direction Sucre qui n’est qu’à cent cinquante kilomètres sur une bonne route asphaltée. A la sortie de Potosi, il nous faut passer un contrôle de police, et pour sortir de la ville, s’acquitter d’une petite taxe. L’agent me tend un ticket et me demande dix bols. Le ticket indique un bol. Il ne sait pas sur qui il est tombé celui-là. Je ne manque pas de le lui faire remarquer, et vlà ti pas que ce petit naïf sort son stylo à bille pour corriger le montant indiqué sur le ticket, de sorte que cela ressemble vaguement à un dix ! Bref, je lui donne un bol (enfin, un sous quoi) et salut en de kost.
Trois heures plus tard et sous le soleil couchant, nous arrivons Plaza Beni, un point bivouac à l’entrée de la capitale constitutionnelle du pays, sur les bons conseils d’autres voyageurs. La place est jolie, et la braderie qui l’anime très chouette. Mais il n’y a pas de place pour nous, j’arrive à peine à en extirper le CC sans arracher de stand. Pas grave, on passe au plan C : un jardin privé qui accueille des overlanders comme nous, situé à l’autre bout de la ville que nous traversons par le centre en heure de pointe, on n’est plus à ça près. On arrive à destination, mais j’ai beau frapper sur le portail de 2,40 m de large (le CC en fait 2,25), pas de réponse. A ce train-là, on va finir au plan Q (c’est pour toi, Greg) ! Bon, le proprio arrive enfin, il m’assiste pour les manœuvres en faisant des gestes précis, Catherine m’assiste aussi d’ailleurs (en faisant des grimaces), et nous voilà installés pour la nuit, après dix heures de trajet et 440 kilomètres, ouf.
20 août 2015.
Après deux jours de route, ça fait du bien de se dégourdir les jambes. Pas évident tout de même de se balader à Sucre : les trottoirs sont très étroits et le trafic très dense. La capitale constitutionnelle du pays est la rivale de La Paz, siège du gouvernement (de gauche depuis l’élection et reconduction du président Morales qui, s’il ne fait pas l’unanimité des électeurs, et surtout pas des 15 pourcents qui détiennent 85 pourcents des richesses du pays d’ailleurs, a le mérite d’avoir stabilisé le pouvoir en place). On a de la chance, encore une fanfare avec défilé autour de la Plaza 25 de Mayo. Nous pouvons rentrer dans l’imposant bâtiment de la Préfecture, mais seulement au rez de chaussée.
L’accueil est plus cordial à la Cour Suprême de Justice qui bien évidemment jouxte la Plaza de la Libertad. Si la justice est aveugle, elle a néanmoins de bons yeux pour lire les livres de lois alignés dans la bibliothèque.
Après un almuerzo végétarien (on se rattrapera en Argentine pour la bidoche), nous montons sur le toit du Templo de la Merced rien que pour la vue panoramique. Voilà, les kets ont bien mérité une petite glace et une plaine de jeux avant de rentrer au camping.
21 août 2015.
Ce matin, c’est ma fête et pourtant, on n’est pas le 6 décembre. Il paraît que je suis difficile à vivre. Il va falloir la jouer fine. Bon, l’orage est passé, on affronte la circulation et la pollution de la ville pour faire des courses puis nous partons en début d’après-midi, direction Potosi. Bivouac merdique à côté d’une station-service qui passe une compil de slows américains en boucle. Les chiens ne sont pas en reste.
22 août 2015.
Il fallait s’y attendre, ce fut une nuit peu reposante. Nous partons sans tarder pour arriver tôt à Potosi, seul endroit officiel pour remplir une bouteille de gaz étrangère (avec le non officiel Oberland à La Paz), et de là continuer vers Tupiza. L’usine est ouverte, mais les opérateurs du gaz ne sont pas là avant lundi (on est samedi). Comme il y a de la place à la Résidence Copacabana, on décide de rester et d’en profiter pour visiter la ville, labellisée UNESCO. Et on a bien fait.
Mis à part l’altitude qui rend encore plus insupportable la pollution qu’à Sucre, la ville offre de magnifiques bâtiments coloniaux dont de nombreuses églises baroques. Cet après-midi, c’est la célèbre Casa de Moneda qui retiendra toute notre attention. La visite guidée est passionnante, même les kets s’y intéressent, d’autant plus qu’il y a quelques reconstitutions grandeur nature. Vu l’épaisseur des murs (plus d’un mètre), ça caille un max alors nous nous réchauffons dans le CC après la visite.
23 août 2015.
Petite journée relax, on retourne au resto d’hier pour l’almuerzo, c’était bon et personne n’a été malade. Nous flânons un peu sur la belle place du 10 novembre, Alexis joue à la baballe avec des scouts, toujours prêts. Comme c’est dimanche, il y a moins de trafic, ce qui rend la ville plus agréable. Bien au chaud dans le CC, Valentin termine son cahier d’école, il ne reste que quelques pages pour Alexis qui enchaîne avec des dessins soignés.
24 août 2015.
Réveil matinal, il faut sortir de ce parking encombré et patienter à l’usine de gaz de la compagnie nationale YPFB (GPS : -19,5776 ; -65,7608). Ça prend plus d’une heure, mais la bouteille est bien remplie. Comme le réservoir de carburant d’ailleurs, et à bon prix, la moitié de celui pour gringos qui sont censés payer le triple du prix national pour compléter les caisses de l’Etat. La pompiste qui se met la différence en poche me dira, avec ce clin d’œil qui lie jusqu’à la mort ceux qui sont dans la confidence : « Ne le dis à personne ». Non, peut-être, c’est déjà sur ioverlander. Nous repartons vers Tupiza, faisant l’impasse sur Uyuni car depuis le retour de Sucre, le moteur siffle quand j’accélère. Du coup, on préfère se diriger vers le garage Iveco le plus proche, à Salta en Argentine, sans faire de gros détours, que de se retrouver en panne en plein milieu du Salar d’Uyuni et qui nous ajouterai 600 kilomètres de trajet au compteur. Nous quittons donc Potosi en contournant le célèbre Cerro Rico où se sont mêlés et de mêlent encore tant d’argent et de misères.
La très bonne route 14, traversant de beaux paysages où règnent le minéral et quelques cactus érigés vers le firmament, nous mène en quelques heures à Tupiza où nous bivouaquons au Refugio del Turista (rien à voir avec un dispensaire pour touristes malades). Je passe la porte du garage avec quelques centimètres de marge en haut comme sur les côtés, guidé de mains de maître par ma douce qui gesticule et grimace sans retenue. Nous découvrons l’agréable centre-ville, véritable repère de touristes et de pizzerias, ben oui, on est à Tupiza ! Le prix du camping étant celui d’une chambre double, j’en demande une clé. Les kets sont excités de dormir avec les parents : Valentin avec Maman et Alexis avec Papa.
Édito : … surexcités à vrai dire. Alexis gigote sans arrêt et Valentin écrase sa pauvre mère. A 1h30, après avoir été réveillé 8 fois en une heure (je venais de m’endormir), je déclare forfait et vais me réfugier dans ma capucine bien plus calme.
25 août 2015.
Journée de repos. Des jeux, de l’école, des bricolages et des dessins pour les kets. Je consulte les agences réputées de la ville pour réserver un tour dans le Sud Lipez et le Salar d’Uyuni. Car si le CC n’est pas suffisamment en forme pour y aller, nous ne voulons pas nous en priver. Habituellement, les familles vont bivouaquer sur le Salar mais ne voient rien du Sud Lipez. Pour l’avoir visité en 2004, je sais que c’est un incontournable. Tous les tours organisés vers le Sud Lipez passant également par le Salar d’Uyuni, nous nous laisserons donc conduire sur plus de 1.000 kilomètres de pistes, inaccessibles à notre motorhome. Au détour d’une ruelle, je vois une affiche clamant la reconquête du littoral bolivien, perdu à la faveur des chiliens en 1879 lors de la guerre du Pacifique. Catherine se plonge dans le guide Michelin sur l’Argentine qui nous tend les bras, je sens déjà l’odeur de la viande grillée sur les asados …
26 août 2016.
Comme pour toutes les journées de relâche, nous n’arrêtons pas une seconde. L’agence a confirmé le départ pour demain, nous partagerons le véhicule avec un sud-coréen et partirons avec un deuxième véhicule occupé par une famille française. Les paquets sont prêts, on est chargés comme des baudets. Travail sur le PC également, archivage des photos et mise à jour du site, il était temps.
27 août 2016.
Ponctuel, le guide-chauffeur de l’agence Tupiza Tours vient nous chercher à 8h. Le CC restera sur le parking fermé de l’hôtel pendant notre excursion. En fait d’excursion, c’est carrément une expédition, dès les premiers kilomètres, le ton est donné : ça sera de la piste pure et dure. Le puissant 4×4 n’en a cure, il monte et les pentes raides et écrase les gros cailloux comme un rien. Nous sommes vite sur l’Altiplano et y croisons ci et là un pelé et un tondu, traversons un village poussiéreux sorti de nulle part, mais comment font ces gens pour vivre ici et de quoi vivent-ils ? Des animaux sauvages peuplent ces contrées reculées : des suris (comme des nandous), des vigognes et des lamas. Ces derniers constituent le garde-manger des ouvriers des mines qui semblent être la seule ressource des environs.
En fin d’après-midi, le convoi (nous sommes à trois véhicules) arrive en haut des ruines de San Antonio, un village fondé par les conquistadores, aujourd’hui abandonné, qui fut établi lors de l’exploitation des mines. Ou plutôt était-ce l’exploitation des civilisations locales. Les deux, en fait. Après, on passe un col à 4.855 m d’altitude, rien que ça, et redescendons jusqu’à Quetena Chico pour la nuit, à l’entrée de la Reserva Nacional de Fauna Andina Eduardo Avaroa. Nous partageons la chambrée avec Jae, notre courageux comparse sud-coréen qui ne parle ni français, ni espagnol, il faut tout lui expliquer en anglais. Hors-service pour la soirée, votre serviteur se couche sous une couche de couverture si grosse qu’elle fait de lui un emplâtré. Catherine en profite pour taper causette avec la famille française qui nous accompagne (Marie-Anne, Marie-Paule, Marc et Etienne).
28 août 2015.
Nous nous attaquons à la Reserva (la prochaine Reserva pour nous, ça sera une cuvée …) après une bonne nuit pas reposante et un bon petit-déjeuner pas roboratif, seul le maté de coca nous permet de tenir le coup dans cet environnement hostile. Après la Laguna Hedionda Sur, nous traversons le désert de Dali, dont les rochers volcaniques aux formes surréalistes parsemés évoquent, pour certains, les œuvres du grand maître. Nous arrivons ensuite à la fameuse Laguna Verde, immortalisée sur une photo de la NASA, qui s’étend au pied du volcan Licancabur. Sa célèbre couleur verte crémeuse est due aux sédiments d’arsenic et de cuivre en suspension dans ses eaux, mais par manque de vent et donc d’agitation aujourd’hui, cette couleur verte est très atténuée.
A près de 5.000 m, l’étape suivant pue : les Geysers Sol de Mañana. Bien que plus actifs le matin, comme leur nom l’indique, c’est pendant l’après-midi que nous y arrivons. Les geysers illustrent l’activité volcanique de la région en crachant des volutes odorantes et en offrant des bains de boue bouillonnante. Enfin, clou de la journée, la Laguna Colorada et ses centaines de flamants roses. D’une étendue de près de 60 km², le lac doit sa couleur rouge aux algues microscopiques qui y pullulent. C’est aussi l’habitat de trois types de flamants roses : le flamenco chileno (ou tokoko), le flamenco andino (ou parina grande) et le flamenco James (ou parina chica).
29 août 2015.
Réveil matinal et glacial dans l’auberge sommaire qui nous a accueillis cette nuit. C’est habillés comme pour aller au ski que nous mangeons les pancakes froides qu’Irma, notre malicieuse cuisinière, nous a concoctées. Journée de route encore aujourd’hui, enfin de pistes pour être précis, qui commence par l’arbre de pierre perdu au milieu du désert de Siloli.
S’en suivent une série de lagunes, et de pistes qui mettent le vieux Nissan Patrol à rude épreuve, mais il tient bon. C’est tout bêtement au milieu du Salar de Chiguana qu’un pneu sera crevé, et pour une fois, ce n’est pas moi qui dois sortir le cric et souffler comme un âne bâté. Je prends juste les photos, tralalilalère. Nous passerons la nuit dans un hôtel de sel à l’ambiance backpackers. Jusqu’ici, nos kets, les seuls enfants-touristes de tous les groupes rencontrés, ont été très sages et incroyablement calmes pendant les longs et remuants trajets. Ils ont ainsi bien mérité un petit divertissement sur l’ordinateur de Marie-Anne, en compagnie d’un ket local.
30 août 2015.
Réveil nocturne cette fois, il s’agit d’arriver sur l’île Incahuasi au beau milieu du Salar d’Uyuni pour le lever du soleil. Isolée au centre d’une étendue blanche de 12.500 km² (soit plus du tiers de la Belgique) de sel sur 40 mètres d’épaisseur, l’île volcanique est hérissée de cactus hauts de 12 mètres pour certains. Un petit sentier permet de monter au sommet de l’île de d’admirer le saisissant paysage sous le soleil levant. Mais ça se mérite. Les kets sont épuisés, ça fait trois jours qu’on roule sur des pistes rugueuses, qu’ils dorment trop tard et dans le froid. En plus, on a dû les réveiller ce matin.
Frigorifiés, ils arrivent en haut pour la traditionnelle photo, mais ne demandent qu’une chose : retourner au chaud dans la jeep. Luis, le guide, laisse même tourner le moteur pour les réchauffer le temps que le petit-déjeuner soit servi. Réchauffés et rassasiés, il est à présent temps d’aller se perdre dans l’étendue blanche du Salar pour une séance photo qui tire profit des effets de perspective. Un bon moment d’éclate en famille et en groupe. Jae, un peu seul sur ce coup-là, utilise son iphone pour télécommander son appareil photo.
En route (enfin, on se comprend) pour la sortie du Salar, nous nous arrêtons un moment devant un monument érigé pour le Dakar 2014. C’est un peu surréaliste de voir un symbole bédouin au milieu d’un territoire aymara, ce qui me fait penser à une chanson de Renaud sur le célèbre rallie. A Colchani petit village à l’entrée du Salar, Catherine peut enfin assouvir sa soif consumériste : je l’autorise à acheter de l’artisanat local. Mais pas trop de brol, faut pas pousser. Nous empruntons la route asphaltée qui vient d’ouvrir, 30 kilomètres de douceur avant les 210 kilomètres qui nous attendent pour le retour à Tupiza, reliant le Salar à Uyuni, ville battue par les vents toujours aussi désolante qu’il y a onze ans. Nous n’y manquons pas le cimetière des trains : un amas de ferraille rouillée, seul reste des convois qui acheminaient les produits des nombreuses mines jusqu’au Chili pendant les années 30.
C’est à Uyuni donc que s’achève généralement le tour, et nous prenons congé de nos agréables compagnons de pistes, mais pour nous, l’aventure n’est pas finie : la route 21 qui mène à Tupiza n’est une route que sur les cartes. En vrai, c’est un chantier de deux cent kilomètres, imposant des déviations dans le lit plus ou moins sec des rivières. Le parcours est chaotique mais unique, Luis nous confiera fièrement que certains tronçons ont été utilisés par le Dakar. De retour à l’hôtel, nous retrouvons notre camping-car comme nous l’y avions laissé mais nous recevons une chambre quadruple pour le prix du bivouac : ça ne se refuse pas.
31 août 2015.
Journée de repos, de jeux, de rangements, de nettoyage. Je trie les photos et revis en image notre fabuleux parcours.
1er septembre 2015.
Après une bonne nuit dans notre grande chambre quadruple, nous achevons les préparatifs et prenons la direction de Villazon, par la route 14 en excellent état. A la ville frontière, je change un gros paquet de bolivianos à un taux super avantageux pour des pesos argentins (près de 70 % en plus du taux officiel). Le passage de frontière est simple, mais long : un bus vient d’arriver avant nous.