25 mars 2016.
Journée de pluie continue, ce qui vous vaut deux newsletters envoyées le même jour, c’est une première. Entre deux articles, nous nous occupons des kets : jeux de société, dessins et Lego.
26 mars 2016.
Je pars tôt ce matin faire le tour du village à la recherche de gaz, mais le remplissage des bouteilles étrangères est prohibé au Brésil et soldé d’une solide amende, officiellement, personne ne s’y risque. Silverino, un riverain sympathique qui, comme septante pourcent de la population locale, parle couramment allemand, m’amène en voiture à l’usine de gaz où il connaît quelqu’un qui éventuellement pourrait peut-être … mais c’est à nouveau peine perdue. Il nous reste un bon plan à deux cent kilomètres d’ici, on verra ça dans quelques jours car nous préférons rester à Pomerode et retourner à l’hôpital pour y ôter les fils des points de suture de Valentin. La bonne nouvelle, c’est que je trouve un grossiste en crèmes glacées, ça va faire mal. Nous retournons l’après-midi au marché de Noël de Pâques, c’est la grosse ambiance style kermesse au boudin où la bière coule à flot. Les kets jouent longuement dans l’espace de jeu d’une boutique de jouets en plastoc et nous les regardons avec béatitude.
27 mars 2016.
Rien de spécial au programme, je traite le courrier, mon épouse lave du linge (ça fait cliché, n’est-ce pas), on mange de la crème glacée et on retourne à la salle de jeux du marché de Noël de Pâques.
Il est grand temps que je vous explique que le Brésil n’est autre que le cinquième plus grand pays au monde, sa superficie atteignant 8.515.867 km2. Il est de même le cinquième pays le plus peuplé avec une population totale avoisinant les 205 millions d’habitants, voilà il ne vous reste plus qu’à replacer ça à bon escient pour avoir l’air cultivé. Mais vous voudrez savoir en plus pourquoi l’allemand est couramment pratiqué dans le coin. Au début de son règne, l’empereur auto-proclamé Pedro Ier veut asseoir la souveraineté brésilienne, dont il a de même décrété l’indépendance vis à vis du Portugal en 1822, dans les états du Sud qui sont convoités par les pays voisins. Influencé par son épouse Leopoldina, qui n’est autre qu’une Habsbourg – encore eux, il offre des terres à une première vague de migrants allemands de quelques milliers d’individus qui y développent l’agriculture. Ces derniers trouvant l’accueil vraiment « sehr gut », ces nouvelles contrées ont bonne presse en Germanie et d’autres vagues se succédent au gré d’enjeux politiques, historiques et économiques, si bien qu’environ 300.000 teutons s’installent au Brésil entre 1824 et 1970, emportant avec eux leur architecture à colombage et leur art culinaire : bradwurst et pilsen sont à l’honneur. Il nous faudra revenir plus tard pour l’Oktoberfest !
28 mars 2016.
Encore une journée relax, on va faire quelques courses pour remplir le frigo en en prévision de l’arrivée des français Cavagnis (Martin, Elsa, Juliette et Christophe), avec qui nous sommes en contact depuis peu, une légende dans le milieu des voyageurs en camping-car : tandis que la plupart des familles le font sur une ou deux années, les Cavagnis étalent leur tour des Amériques sur plus de quatre ans. Leur parcours en motorhome touche à sa fin et ils sont en phase de réflexion pour la suite : s’installer pour de bon en Amérique ou retourner en France. En ce qui nous concerne, la marge de réflexion sera limitée au choix de la couleur de nos chaussettes pour la rentrée d’ici cinq mois, mais on se prend au jeu avec eux et on étudie les suggestions en retraçant nos parcours respectifs.
29 mars 2016.
Les enfants jouent longuement ensemble et disparaissent dans le bosquet et l’immense terrain de notre bivouac, Valentin se perd et fait un sitting jusqu’à ce que je vienne le secourir. Mon épouse soupirera : « Mais il n’en rate pas une, ce petit bonhomme », avec toute sa fierté maternelle. A midi, les Français organisent une chasse aux œufs. Les petits sont surexcités et courent dans tous les sens pour retrouver les 46 chocolats. Il en manquera malheureusement un, ce qui fera sans doute le bonheur des fourmis, si pas des macaques. On y va mollo ce soir parce que je n’ai pas encore récupéré de la veille.
30 mars 2016.
Faute de bus, c’est en taxi que nous retournons à l’hôpital pour y faire ôter les fils des points de suture de Valentin, qui grimace mais ne pleure pas. Comme la semaine dernière, le service est rapide, efficace et gratuit.
Après un bon repas collégial, nous visitons en groupe le petit musée de Pomerode qui ne nous apprend finalement pas grand-chose vu que l’histoire assez récente de la région ne permet d’exposer que des objets remontant à quelques dizaines d’années tout au plus. L’intérêt majeur du musée réside pour les enfants dans l’aire de jeux et l’atelier peinture.
Maria et Peter, un couple de retraités allemands, arrivent au bivouac, mais c’est malheureusement déjà notre dernière soirée avec les Cavagnis. Après avoir enquêté sur Florianopolis, El Salvador, Cuenca, Cali, Montevideo, Valparaiso, ils en sont à sérieusement envisager le retour au pays, mais continuent leur recherche pour éviter cette fatalité. Pour moi, ça sera des chaussettes noires.
31 mars 2016.
Notre long séjour à Pomerode touche à sa fin, nous quittons nos amis en fin de matinée et, le cœur serré, nous roulons jusqu’à l’île de Santa Catarina que nous joignons par le Ponte Governador Pedro Ivo Campos reliant les parties continentale et insulaire de la capitale étatale, Florianopolis, porte d’accès à l’île qui a donné son nom à l’état brésilien dans lequel nous nous trouvons. Nous avons les coordonnées GPS d’une boutique de boisson qui accepte de remplir en stoemelings les cylindres de gaz (boutique de boissons « Trevo Bebidas » en bord de route, GPS : -27,6616 ; -48,50023). Ce n’est pas donné, mais ça vaut le coup vu que ça nous donnera deux à trois semaines d’autonomie avant d’arriver en Uruguay où la recharge en gaz ne pose aucune difficulté. Je laisse donc une bouteille qui devrait être remplie pour demain matin et nous poursuivons jusqu’à Ribeirão da Ilha, dont la réputation des parcs ostréicoles n’est plus à faire. Nous posons le CC face à la petite église Nossa Senhora da Lapa do Ribeirão, édifiée en 1806. Le calme de la nuit n’est troublé que par un très violent orage.
1er avril 2016.
Comme chaque fois qu’on quitte une famille avec qui on a passé quelques jours, on a un coup de mou. On est à la fois contents de se retrouver à quatre et tristes de laisser une famille formidable (pas comme celle qui passe tous les jeudis sur TF1), ici les Cavagnis, derrière nous. Heureusement, l’île de Santa Catarina est magnifique et réserve quelques beaux villages, comme Ribeirão da Ilha et des superbes plages, outre la Lagoa do Peri où nous nous arrêtons à midi avant de poursuivre vers le Sud de la petite île qui s’étire sur une centaine de kilomètres.
Je n’en suis pas fan, mais ça fait tellement plaisir au kets qu’on s’offre un moment de baignade dans les eaux chaudes de la Praia do Pântano do Sul, fondée par des pêcheurs provenant des Açores, où, tant qu’on y est, nous passons la nuit, rythmée par le déferlement des vagues. C’est tellement beau que nous décidons, sur un coup de tête, de changer de vie et de nous installer définitivement au Brésil afin d’y ouvrir un magasin de produits made in Belgium.
2 avril 2016.
Nous partons assez tôt afin de récupérer la bouteille de gaz et de quitter l’île de Santa Catarina où il fait résolument trop chaud et humide pour nous. Hé oui, les plus avertis d’entre vous avaient bien relevé que c’était hier le 1er avril et si notre retour en Belgique ne fait aucun doute, il faudra vous armer de patience car nous venons d’apprendre que le bateau qui rapatriera le CC au pays a deux semaines de retard. Heureusement qu’on a appris à être flexibles. La route côtière BR101 est en bon état et nous arrivons rapidement à Laguna, petite ville fondée en 1626, et allons directement dans l’estuaire du Rio Tubarão (GPS : -28,4958, -48,7606) pour admirer un fascinant spectacle. Des pêcheurs équipés d’un simple filet attendent patiemment les pieds dans l’eau que des dauphins « Botos da Tainha », des Tursiops Truncatus pour être précis, rabattent les poissons dans leur direction, pour balancer leur filet au moment le plus opportun. Bien entendu, le butin est partagé, il faut bien remercier avec quelques prises ces mammifères de près de quatre mètres de long et pesant jusqu’à cinq cent kilogrammes. Je termine cette bonne journée en trinquant avec une bonne petite brésilienne bien fraîche (en présence de mon épouse).
3 avril 2016.
Réveil matinal, les pêcheurs sont déjà à pied d’œuvre, toujours assistés par les inlassables dauphins. La mauvaise surprise du jour, c’est l’invasion de petites fourmis dans le CC. On est bon pour une séance approfondie de vidage, nettoyage et gazage des placards, une partie de notre petit-déj fini à la poubelle, on prend donc la route à jeun, mais on s’arrête dans une belle boulangerie, tout n’est pas perdu. La BR101 traverse de nombreuses villes et zones urbanisées parsemées de shoppings et outlets centers. Nous nous arrêtons au premier magasin qui offre un parking ombragé, non pas pour faire chauffer la carte de crédit mais bien pour boire le café et manger les couques. Et comme en plus il y a des douches chaudes, on repart propre et frais en direction de Torres, petit village en bord de mer que j’ai repéré sur le GPS. En fait de village, c’est carrément une ville bardée d’immeubles, le GPS est souvent trompeur, mais on trouve un coin tranquille près du Parque Estadual da Guarita qui surplombe l’océan avec ses falaises acérées.
Le fond de l’air est plus frais – il n’y a que 30 °C – et nous n’allons pas nous baigner, mais je prends encore une douche sur la plage, ce qui fera bien rigoler quelques jeunes brésiliennes. Qu’elles rigolent seulement, mon slip ne traverse pas mes fesses, moi au moins !
4 avril 2016.
La nuitée fut bien calme et fraîche, les kets ont tellement dormi qu’ils sont surexcités dès l’aube. La journée sera longue. On en a déjà assez des plages et on décide de faire un petit détour vers les montagnes du Rio Grande do Sul, le dernier état du Brésil avant la frontière avec l’Uruguay. Nous délaissons ainsi la BR101 à la faveur de la Rota do Sol qui grimpe jusqu’à un plateau à 800 mètres d’altitude, mêlant vastes étendues agricoles et forêts de pins. Nous nous arrêtons à Canela, agréable petite ville touristique où se concentrent de nombreux parcs à thèmes plus ou moins bidon. Nous nous contentons de découvrir le vignoble de Jolimont, fondé par un expatrié français en 1948. Nous avons droit à une visite guidée et une dégustation heureusement gratuite parce que franchement on s’attendait à mieux et c’est (un peu) gêné que nous déclinons l’offre de bouteilles à emporter, ce que nous nous empressons d’aller confesser à la Catedral de Pedra qui domine la ville.
5 avril 2016.
Après le petit-déjeuner, sans fourmis, nous nous rendons au Parque Estadual do Caracol dont l’impressionnante cascade haute de 131 mètres est éclairée idéalement par le soleil matinal. Divers sentiers aménagés permettent de pénétrer au plus profond de la forêt chaude et humide, mais les seuls animaux sauvages que nous verrons sont empaillés au centro ambiantal.
Après ces belles balades, les kets jouent longuement à la plaine de jeux. Mon épouse, très inspirée en ce moment, nous gratifie à midi d’un terrible thon-riz-maïs que seule la promesse (tenue) d’une barre de chocolat made in Canela fera se vider lentement l’assiette de mes fils. Du parc, nous rejoignons Gramado, ville encore plus touristique que Canela, bardée de boutiques en chocolat et production locales de vins, bières et artisanat divers. C’est dépaysant par rapport aux plages, mais ça n’en reste pas moins incongru au Brésil.
6 avril 2016.
Toujours sur la Ruta Romantica, nous traversons les villes de Novo Petropolis, Novo Hamburgo et Porto Alegre. Redescendus dans la plaine des gauchos, la chaleur est à nouveau accablante et je préfère rouler d’une traite jusqu’au bivouac sur le parking d’un hôtel où j’ai à peine coupé le moteur qu’un terrible orage s’abat sur notre tête. Vraiment terrible.
7 avril 2016.
L’orage d’hier a apporté un peu de fraîcheur et ça nous convient mieux ainsi. Avant de quitter la ville et le pays, nous nous arrêtons dans un Acatadao, un énorme hypermarché, pour faire le plein de denrées alimentaires de première nécessité (vous savez quoi) car le coût de la vie est réputé être bien plus élevé après la prochaine frontière.
La route que nous empruntons pour sortir du pays traverse des zones marécageuses, bordées par d’immenses lagunes et la réserve écologique de Taim, où nous pouvons observer de nombreux animaux, tel l’impressionnant capibara, sorte de hamster aussi gros qu’un sanglier, ou des flamands roses, des cigognes et serpents. Le réservoir à carburant bien rempli, nous passons sans encombre le poste de douane brésilien, il faut juste patienter pour résilier l’importation temporaire du véhicule, la charmante douanière ne comprend d’ailleurs pas pourquoi son collègue de Foz do Iguaçu n’a pas suivi la procédure simplifiée. Moi non plus.