Paspébiac, Québec, Canada. Il est 21h15, 6 heures de moins qu’en Belgique. Une fois de plus, nous avons trouvé un bivouac face à la mer, les campings ne sont vraiment pas utiles pour nous vu l’autonomie du CC et surtout nous préférons ce sentiment d’indépendance qu’offre le camping sauvage. Nous aussi, on a le droit d’être borderline !
Nous avons trouvé un certain rythme ces derniers jours. Tout en découvrant quotidiennement de magnifiques paysages et en visitant des parcs, des musées, des villages et même des plaines de jeu, nous essayons de donner des repères aux garçons, juste ce qui faut pour les cadrer et leur montrer que même si, dans leur chef, c’est les vacances tous les jours, il y a des règles à respecter. En bref, ils arrêtent de faire les marioles, c’est Papa qui décide et ceci est valable pour Maman aussi (qui précise que, très finement, elle me laisse croire que c’est bien moi qui commande ici). Si ça peut la rassurer.
Bon, à part ça, aujourd’hui nous avons visité le Parc National de Miguasha, inscrit à l’UNESCO. C’est un bien joli parc avec de belles vue sur la baie d’Escuminac, mais franchement pas de quoi faire un détour, sauf si vous êtes paléontologue ou passionné pas des fossiles d’excréments de poisson que les chercheurs (si, si, on trouve des chercheurs pour ça) analysent par dizaines dans les différentes strates des falaises. C’était aussi l’occasion pour nous de tomber sur une famille vaudoise en voyage pour un an, en Europe et en Amérique du Nord, avec trois garçons qui dorment dans une tente de toit maggiolina sur le motorhome!
Le lendemain matin, nous visitons un vieux comptoir à morues (je vois déjà venir ceux du CP : il ne s’agit pas d’un bastringue). Pasbébiac était au milieu du 19ième siècle, la plaque tournante du négoce de morue séchée salée. En 1860, pas moins de 1.400 bateaux ramenaient en moyenne 600 morues chacun. A ce rythme-là, pas étonnant qu’il n’y ait plus trop de cabillaud dans le coin. Toute la marchandise était conditionnée dans les entrepôts de la Robin Company et de la Boutillier and Co, deux entreprises concurrentes, la deuxième ayant érigé le plus grand entrepôt en bois d’Amérique du Nord (5 niveaux tout de même) juste pour la frime. L’essentiel de la marchandise était ensuite expédié en Europe et en Amérique du Sud.
Nous poursuivons ensuite notre tour de la Gaspésie jusqu’à Percé, petite bourgade en bord de mer qui doit son nom à un énorme rocher percé trônant dans la mer à quelques encablures. Que serait donc devenue la ville d’Etretat si elle avait été baptisée « Trouée »?
La route qui mène à Percé, la légendaire route 132, est en bien piteux état et se retrouve jalonnée de chantiers routiers qui nous mettent de longues périodes à l’arrêt. Ce n’est peut-être pas la E40, mais ils pourraient quand même phaser leur chantier (sorry, c’est un réflexe professionnel). Je note au passage qu’il y a beaucoup d’ouvriers et d’engins, tandis que Catherine observe que : « ils sont très grands, ces cônes ». Nous terminons la journée sur un bivouac surplombant la mer que nous nous apprêtons à laisser, vu que nous avons rendez-vous avec le Saint-Laurent dès demain.
Partis de bonne heure, la journée sera routière. Presque 300 km en 5 heures, quelle moyenne ça fait peur. Au moins, on ne se fera pas prendre pour excès de vitesse et la consommation a baissé vers 11 litres aux cent kilomètres, ce qui soulage notre empreinte écologique, même si je dois souvent rétrograder en 3ième et parfois même en 2ième dans les côtes. Ça va être beau dans l’Altiplano!
Le paysage, richement boisé et vallonné reste enchanteur. Nous traversons moult villages endormis aux maisons donnant sur la mer puis sur le Saint-Laurent et aux plaines de jeux accueillantes. Nous faisons également des haltes dans les centres d’information touristiques où nous sommes toujours bien reçu et où nous recevons les cartes et documentations utiles pour la route, de même qu’un bon accès wifi nous permettant de charger nos emails et de Skyper avec ceux qui sont connectés.
Ce matin, 10 septembre 2014, après deux semaines d’abstinence (du calme, du calme) on s’était mis en tête de se rincer le gosier au vignoble de Carpinteri, un domaine récent de quelques hectares, mais nous devons vite déchanter : le gouvernement a saisi plus de 6.000 bouteilles et interdit les dégustations, pour une sombre histoire de proportion des vins d’origine nous a-t-on expliqué. Bref nous repartons bredouilles et nous nous contentons d’une halte dans une fromagerie artisanale, histoire de changer du cheddar fadasse. Pendant la longue pause de midi, nous instaurons enfin la rentrée des classes pour les kets : des livres style devoir de vacances suffisamment ludiques pour capter l’attention des loustics pendant une heure tout en restant didactiques. En fin d’après-midi, nous arrivons à Trois Pistoles où nous prendrons le traversier pour Les Escoumins, sur la rive nord du Saint-Laurent. Le rivage étant monopolisé par les villas cossues les pieds dans l’eau, et notre salut viendra tout simplement de la compagnie du traversier qui nous autorise à passer la nuit sur sa pelouse qui fait face au fleuve.
Réveil matinal car nous devons enregistrer le motorhome à 6h15 pour la traversée de 7h, de sorte qu’après les formalités qui sont réglées en quelques minutes, nous petit- déjeunons sur le ponton d’embarquement, c’est ça aussi la magie du camping-car. Ce matin, le Saint Laurent est calme et le ciel est couvert. La traversée dure 1h30, le temps de franchir les 15 km de largeur du fleuve qui à cet endroit a encore les caractéristiques d’un milieu marin.
Passé l’île des Basques (une communauté de baleiniers basques s’est installée dans la région au 16ième siècle) les plus courageux sont sur le pont (et c’est bien le cas de l’écrire) pour braver les éléments et tenter d’apercevoir quelques dignes représentants de la faune Laurentine. Mais le butin est maigre aujourd’hui : juste quelques phoques et autres marsouins à se mettre sous les jumelles. Débarqués aux Escoumins, nous faisons halte au « centre d’interprétation du monde marin du Cap de Bon Désir » où un point d’observation est aménagé et où, sous le regard avisé d’un chercheur, nous apercevons un rorqual commun, encore quelques phoques et quelques marsouins.
En prime, sous mes yeux avisés, nous avons même droit à un écureuil qui roule sa bosse sur la balustrade. Nous nous arrêtons en peu plus loin en collant bien le bâtiment du centre des visiteurs de Bergeronnes qui nous protège ainsi des rafales de vent qui font tanguer le CC comme si nous étions en haute mer.
Nuit agitée, réveil difficile. Nous nous mettons immédiatement en route histoire de réchauffer le motorhome, et passons à la boulangerie artisanale « la petite cochonne » (sic). Avec un nom pareil, les deux garçons s’en donnent à cœur joie dans la boutique, mais il faut reconnaître que le pain est super bon et que ça nous change des tartines industrielles. Nous poursuivons vers Tadoussac, ville très touristique où nous nous promenons sous le soleil mais dans le vent qui nous transperce, surtout le long du rivage, à l’embouchure de la rivière Saguenay qui se jette dans le fleuve Saint-Laurent.
Mais en fait de rivière, le Saguenay est un vaste cours d’eau, large de 1 à 4 km, dans lequel des groupes de cétacés ont élu domicile, profitant à la fois des eaux plus douces et plus chaudes (ou soyons honnêtes : moins froides) du magnifique fjord où, cerise sur le gâteau, ou plutôt krill dans le banc de poissons, les marées remontant le Saint-Laurent garantissent le réapprovisionnement de ce vivier alimentaire. D’habitude, l’observation des cétacés se fait à partir d’excursions en hors-bord, mais pas question de rentrer là-dedans avec les deux kets qui n’ont que 3 et 4 ans et nous ne sommes pas convaincus par les gros bateaux qui ne peuvent pas s’approcher à moins de 400m, alors autant pour suivre notre exploration côtière et nous nous rendons ce samedi 12 septembre 2014 à la baie Sainte-Marguerite où se jette la rivière éponyme dans la Saguenay et où, nous a-t-on assuré à l’office du tourisme, il est quasi certain de voir des bélugas, ces petites baleines blanches trop mignonnes, vraiment trop choux quoi (purée, à peine deux semaines avec Madame et les deux p’tits et je gagatise déjà).
Bref, nous voilà partis en randonnée, 3 km aller, 3 km retour (ça n’a l’air de rien, mais pour Valentin qui mesure à peine un mètre, c’est une vraie transhumance) et on a vu quoi? Un pauvre phoque qui s’est bien payé de notre tête pendant que les bélugas se cachaient, bravo l’éco-tourisme, la prochaine fois, on va direct à Seaworld!
Nous terminons la journée à Sainte-Rose du Nord, beau village aux maisons colorées qui se love dans une petite baie et qui offre de splendides points de vues sur le fjord du Saguenay et ses eaux noires et profondes. Tiens, en fait de maisons colorées, une belle arnaque oui. Moi qui pensais ne jamais arriver à faire pareil sur ma cabane de jardin, ils ont un truc ici : c’est généralement un bardage coloré en alu ou en PVC. Et voilà, le tour est joué.
Nuit sous la drache qui tambourine sur le toit du motorhome à quelques centimètres de nos oreilles. Mauvaise nuit, mais réveil agrémenté d’abord de câlins avec les deux gamins (on se retrouve à quatre dans la capucine, les kets adorent), ensuite de pain perdu arrosé de sirop d’érable, on reprend ainsi des forces pour la journée parce qu’avec 4 degrés dans le CC au réveil il nous fallait bien ça! Après la pause ravitaillement à Saguenay où nous prenons des munitions : une bouteille de vin blanc québécois, on verra ce que ça vaut, et notre premier six pack de bières… et j’oubliais aussi les trois litres de lait pour les kets. Je note au passage que les produits belges sont bien représentés, essentiellement le chocolat (Godiva, Dolfin) et la bière (Inbev est passé par ici avec Leffe, Stella et Hoegaarden, mais aussi Duvel et autre Chouffe).
Nous visitons ensuite le passage à saumon de la rivière Mars, histoire de bien expliquer aux enfants ce qu’ils avaient dans leur assiette ce midi. En fait, cette échelle à poisson a été mise en place par une association locale de pêcheur en vue de leur assurer de quoi assouvir leur passion : la pêche à la mouche, vrai sport national ici. Déjà nous devons quitter ce magnifique fjord du Saguenay pour retrouver le Saint-Laurent que nous remontons sur sa rive nord en empruntant la route de la côte de Charlevoix qui nous mènera jusqu’à la ville de Québec.
Ce lundi, le 15 septembre 2014, nous poursuivons sur la ravissante route de Charlevoix qui nous mène jusqu’à la basilique de Sainte-Anne, haut lieu de pèlerinage où l’on trouve, en guise d’ex-voto, une importante collection de béquilles attachées aux imposantes colonnes de l’édifice qui a vraisemblablement fait de la guérison des jambes cassées sa spécialité. Nous remplissons nos gourdes à la fontaine de la source Sainte-Anne, il ne manque plus que le Pastis … euh faute de frappe : le pasteur.
Empruntant la route de Beaupré, continuité logique de la route de la côte de Charlevoix, nous nous arrêtons à la chute de Montmorency, une impressionnante chute d’eau de 83 mètres de haut qui se déverse dans le Saint-Laurent. Nous optons ce soir pour le retour à la civilisation et nous nous installons dans un confortable camping en bordure de la ville de Québec qu’il nous tarde d’aller découvrir.