Navigation de Montevideo à Santos (du 21.05.2016 au 2.06.2016)

21 mai 2016 – #1 – Embarquement à Montevideo
Nous avons passé une bonne nuit, la dernière dans notre motorhome, devant l’hôtel NH de Montevideo. Les kets montent une dernière fois dans la capucine pour le câlin du matin, empreint d’émotion mais pas de nostalgie, on garde ça pour plus tard, Vikram Seth ne disait-il pas « J’ai parfois l’impression de vagabonder autour du Monde dans le seul but d’accumuler le matériau de futures nostalgie » ? Nos petits garçons sont très excités car c’est aujourd’hui que nous embarquons à bord du Grande Angola, le « Ro-Ro-Cargo Ship » de la compagnie italienne Grimaldi. Les valises sont déjà prêtes, les caisses de jouets aussi (une de Duplo et une de brol), le motorhome donne l’apparence d’être vide et il ne me reste plus qu’à monter la cloison de séparation entre le poste de conduite et l’habitacle. Trois grandes planches en MDF et cinq lattes en sapin sont mises en place de main de maître en un ingénieux système auto serrant.

Bien protégé.
Bien protégé.
Rien à déclarer.
Rien à déclarer.
GRANDE Angola.
GRANDE Angola.

Le délégué de l’agent maritime KMA est bien présent, et avant nous de surcroît, au rendez-vous à l’entrée du port. Il nous apprend que nous serons seuls passagers à bord, occupant deux cabines sur les six disponibles, toutes intérieures (sans hublot) et nous emmène passer le véhicule sous un énorme scanner à l’autre bout du port. A part mon Leatherman (voir Les VW on the Way au Panama) et les pistolets à eau des kets (voir pleins d’articles sur notre site), nous ne transportons pas d’arme de destruction massive. Pendant ce contrôle de routine, je passe inspecter le camping-car de nos amis Suisses « La Vie Devant, les Kilomètres Derrière » qui est stocké au port depuis fin décembre 2015 et qui sera envoyé prochainement en Afrique du Sud, ils seront contents d’en avoir des nouvelles fraîches. Toujours accompagnés, nous nous rendons ensuite à la porte d’embarquement du bateau, qui est également la porte de débarquement par laquelle arrivent cinq voyageurs germanophones. Ils ne respirent pas vraiment la joie de vivre (ça fait d’ailleurs un peu peur pour la suite), et nous nous présentons tous ensemble à la douane afin d’y remplir les formalités d’entrée ou de sortie. Notre parcours de six kilomètres dans l’enceinte portuaire s’arrête définitivement devant notre bateau qui, mine de rien, mesure 211 mètres de long pour 32 de large. Nous attendons le feu vert pour l’embarquement, en mangeant quelques tranches de gâteau préparé la veille par mon épouse. La manœuvre est aisée (c’est du gâteau : j’ai appris à maîtriser la bête depuis le temps) et, après avoir solidement arrimé le véhicule, l’équipage nous aide à transporter nos très nombreux et encombrants bagages jusqu’à nos cabines.

Sans les mains ...
Sans les mains …

05 Montevideo

Au moins 5 semaines.
Au moins 5 semaines.

Simple et fonctionnelle, notre cabine mesure 5,20 m de long pour 2,40 de large, soit un peu moins que la superficie habitable de notre motorhome, sauf qu’ici, nous en avons deux (cabines, hein, faut suivre) et donc quatre lits de nonante centimètres de large. Pour Catherine, c’est une révolution, elle double ainsi son espace nocturne (pour mémoire, le lit en capucine ne mesurait que 1,25 mètre de large) tandis que pour moi, c’est la dèche, j’aurai vite l’impression d’être dans un caisson : les rebords censés me protéger d’une chute constitueront autant d’obstacles sur lesquels me cogner alors que, franchement, je préfère emboutir ma douce épouse. Etant les seuls passagers à bord, nous investissons par ailleurs toute la salle de détente des officiers, ces derniers restants habituellement dans leurs quartiers. D’ailleurs, ils terminent déjà leur dîner, mais nous sommes invités à passer à table dans leur mess. Les petites assiettes sont mises dans les grandes, et Sonny, notre steward, nous sert à table comme dans les grands hôtels. Catherine organise et range ensuite les chambres alors que je joue au Bingo avec les kets qui jonglent de manière impressionnante avec les chiffres. Depuis des mois, quand leurs jeux dégénèrent, je les fais s’assoir et compter jusqu’à 50, 100, 150. Valentin excelle en la matière, il est déjà arrivé à 250, c’est donc logiquement lui qui gagne la première partie. Pendant que nous soupons, le navire appareille et va s’ancrer dans l’estuaire du Rio de la Plata dont les eaux sont bien calmes et nous nous endormons facilement.

Bingo !
Bingo !
Montevideo.
Montevideo.

22 mai 2016 – #2 – Ancrage au large de Montevideo
Cette première nuitée à bord du Grande Angola fut un peu agitée, non pas en raison des eaux, heureusement toujours calmes, mais en raison des nouveaux repères à prendre. Si mon épouse et moi-même avons retrouvé un peu d’intimité, nous faisons néanmoins couchage séparé et si ni l’un ni l’autre n’a ronflé cette nuit, ce n’est pas le cas des moteurs et de la ventilation du navire, qui ronronnent en sourdine sans discontinuer. Les batteries des talkies walkies nous ont lâchés en milieu de nuit, mais la cloison est peu épaisse et j’entends les kets se réveiller en douceur. Ils ont été briefés et attendent patiemment mon signal pour se préparer. Le petit-déjeuner est déjà servi à 7h30, mais un consensus familial veut que nous ne le prenions qu’à 8h. Dès 9h, les kets sont à l’école, nous leur avons concocté un sacré programme pour les occuper calmement durant la traversée.

Petit-déj.
Petit-déj.
Pro forma ...
Pro forma …
Au cas où.
Au cas où.
Menu.
Menu.

Les sessions de cours, bricolages et activités créatives seront entrecoupées de promenade sur le pont supérieur dont le périmètre compte environ 285 mètres, de sorte que quatre tours complets nous assurent plus d’un kilomètre de marche. Je décrète unilatéralement que nous en ferons plusieurs par jour, et mon épouse me soutient dans cette (dé)marche. Il faudra bien ça pour compenser le rythme alimentaire incroyable de notre croisière. Ce soir, le cuistot nous gratifie d’un terrible régime dissocié : cuisse de poulet comme première entrée, côte à l’os comme seconde entrée, cervelle en plat principal (considérant qu’on en avait assez, nous avons passé notre tour) et filet mignon en dessert, le tout cuit au barbecue. Seul accompagnement végétal : un citron vert. Seul apport glucidique : de la pizza !
14 Montevideo

Petit barbec.
Petit barbec.

16 Montevideo

23 mai 2016 – #3 – Ancrage au large de Montevideo
Selon le dernier programme, le navire aurait dû arriver ce matin à Zarate, un petit port roulier proche des usines automobiles de la région de Buenos Aires, mais il n’a toujours pas quitté son ancrage du Rio de la Plata. Le capitaine nous annonce qu’il y a encore au moins deux jours d’attente, ce qui ne nous pose aucun problème, on s’est préparé à rester 38 nuits à bord, quelques une de plus ne nous font pas peur, que du contraire, on va flirter avec un carême complet (salut Maurice). En l’occurrence, un anti-carême, eu égard à l’apport calorique quotidien que le chef cuisinier nous assure, ce qui ne peut pas nous faire de tort pour autant qu’on maintienne un peu d’activité physique pour ne pas finir fat. Nous sortons quotidiennement trois à cinq fois par jour pour une promenade d’un kilomètre, Catherine fait des allers-retours entre nos quartiers et la laverie où des machines sont mises à disposition, et je me remets à soulever un peu de fonte à la petite salle de sport, comme à ma grande époque (salut Marc).

Débranché(e).
Débranché(e).
(photo-montage)
(photo-montage)
Je cours pour la forme.
Je cours pour la forme.

20 Montevideo

A la barre.
A la barre.

22 Montevideo
Les kets sont formidables, ils s’occupent de manière improbable dans leur cabine, entre les activités scolaires, créatives et familiales. Lorsque nous montons en famille sur le pont, nous devons nous signaler au poste de commandement, l’occasion de saisir la barre du navire ne tarde pas pour les garçons qui ne réalisent sans doute pas le poids de la responsabilité qui leur incombe quelques instants. En même temps, le bateau est ancré ! Je profite de l’occasion pour analyser les écrans et tableaux de commande, mon GPS me donne déjà pas mal d’informations, mais c’est (un peu) plus complet ici. Bien que planté là au milieu du Rio de la Plata, il n’y a que trois mètres de fond sous la quille du bateau, elle-même à environ neuf mètres de profondeur : nous sommes bien dans un fleuve et non pas en pleine mer.

24 mai 2016 – #4 – Ancrage au large de Montevideo
Surprise ce matin au réveil, au lieu d’avoir Montevideo à tribord, nous l’avons à bâbord. Le Grande Angola n’a pas quitté l’ancrage mais le vent a changé de direction et le navire a donc tourné autour de son ancre. Aussi, les nombreux bateaux qui étaient derrière nous hier sont à présent devant nous. Bien qu’à l’arrêt depuis deux jours, l’équipage est toujours très actif. Composé de 26 membres structurés selon une hiérarchie précise, l’équipage est divisé en deux clans : l’équipage proprement dit (the crew, des philippins pour la majorité) et les officiers (the officers, principalement des italiens). En marine marchande, il n’y a qu’un seul maître à bord, c’est l’omnipotent capitaine, et les passagers que nous sommes restent quantité négligeable. Aucun régime de faveur ne nous est accordé, comme aime à nous le rappeler le cuistot. Nous avons donc parfois l’impression d’être seulement tolérés à bord, mais il faut reconnaitre que la communication avec les officiers n’est pas évidente, leur maîtrise de l’anglais étant aussi limitée que notre connaissance de l’italien. Seuls les enfants échappent à cette rigueur et reçoivent régulièrement des collations en extra et le chef propose même d’adapter les menus pour eux, comme c’est le cas pour le capitaine qui mange un menu adapté, sans doute pour éviter le risque d’intoxication alimentaire, mais nous refusons poliment car nos kets savent se tenir à table.

25 mai 2016 – #5 – Navigation vers Zarate (Argentine) sur le Rio de la Plata et le Rio Parana
Le bruit des machines est légèrement plus soutenu ce matin et une légère vibration fait trembler les armoires. Pas de doute, nous sommes en navigation. Deux pilotes uruguayens sont montés à bord pour accompagner le navire dans le chenal balisé qui remonte le Rio de la Plata. C’est franchement la honte pour le capitaine, je n’ai jamais cédé le volant du CC, même pour une piste pourrie que je sache. Nous pouvons rester dans la salle de commandement comme bon nous semble, c’est un des avantages d’être les seuls passagers à bord.

C'est parti.
C’est parti.
Radar sans flash.
Radar sans flash.
Pac-man.
Pac-man.
Advienne que pourra.
Advienne que pourra.
On s'promène.
On s’promène.

Le pilote donne inlassablement le cap à suivre afin de rester dans le chenal balisé, véritable autoroute fluviale sur laquelle nous croisons de nombreux navires. Deux nouveaux pilotes, argentins cette fois, prendrons la relève dans la « zona comun » près de Buenos Aires. Avant le départ, j’ai fort judicieusement chargé les points d’intérêt maritimes et fluviaux sur mon GPS, ce qui me permet de contrôler avec professionnalisme non seulement le parcours du navire et mais aussi l’exactitude des appareils de navigation. Mon petit manège n’échappe pas à Mister Safety (le responsable sécurité) à qui je déclare solennellement, le regard appuyé : « Don’t be afraid, I know where we are ». Fier de mon petit effet, je m’en vais faire une séance de sport dans la salle chichement équipée. Après 13 minutes de tapis roulant, une légère odeur de cramé se dégage de l’appareil. 13 secondes plus tard, la machine disjoncte : mon entrainement intensif a eu raison de l’équipement. Pour vous, il s’agit d’un non-évènement, mais pour moi, c’est tout à fait tragique car quelques minutes de plus auraient amplement justifié mon deuxième verre de vin blanc ce soir.
28 Rio Plata

Pilote.
Pilote.

30 Rio Plata

31 Rio Plata

26 mai 2016 – #6 – Port de Zarate
La fin de la nuit fut assez agitée : le navire a accosté sur l’unique quai du port fluvial de Zarate, le long du Rio Parana vers trois heures du matin. Alors que se dessine au loin le pont que nous avions emprunté il y a trois mois avec le camping-car, un flot incessant de voitures neuves, de marque allemande pour la plupart, quitte les entrailles du navire et va nourrir le parc de plusieurs milliers d’automobiles qui s’étend devant nous. A 9h, nous avons l’autorisation de mettre pieds à terre, et, après cinq contrôles de passeports, deux navettes portuaires et un taxi, nous arrivons sur la Plaza Mitre, bordée par la Municipalitad et l’Iglesia de Nuestra Señora del Carmen au centre de Zarate. Bon, Zarate n’est pas Arequipa et nous fonçons chez notre ami Freddo pour faire un update complet, après six jours sans internet et encore plus sans crème glacée, les sevrages sont difficiles.

Zarate.
Zarate.

33 Zarate

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Freddo.
Freddo.

Valentin insiste pour aller visiter un musée (je vous promets que c’est vrai et qu’il n’y avait pas de récompense à la clé), nous nous rendons à la Quinta Jovita, une magnifique demeure, habitée par la famille de la Torre jusqu’en 1987 et déclarée monument historique (provincial, hein, faut pas pousser) en 1999. Nous poursuivons vers le Paseo de la Ribera, l’agréable promenade aménagée le long du Rio Parana, ça nous change de nos séries de quatre tours du pont supérieur. Comme on ne sait pas vraiment quand sera la prochaine occasion, on retourne chez Freddo avant de rentrer au port où le bateau nous attend bien sagement.
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L’escale constitue aussi pour moi l’occasion d’aller vérifier que le CC est toujours intact, de reprendre quelques affaires en plus et de démarrer le moteur. Rejoignant ensuite le pont n°11 qui abrite la zone habitée du navire, nous retrouvons Sonny, notre steward qui nous sert à table et qui fait quotidiennement le ménage de notre cabine. Au fait, ce soir, au dessert, c’est de la glace !
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Je bosse, moi.
Je bosse, moi.

27 mai 2016 – #7 – Port de Zarate et navigation sur le Rio Parana
Je comprends maintenant pourquoi notre camping-car avait été éventré au port d’Halifax il y a deux ans : les manutentionnaires sont de vraies brutes ! Des containers sont chargés tôt ce matin, mais étant en dehors du rayon d’action de la grue du port, c’est d’abord sur une remorque qu’ils arrivent en traversant le bateau avant d’être empilés comme des Duplo à l’aide d’une grosse machine, style un transpalette, mais pour container. A chaque passage, les parois et les planchers du bateau tremblent comme si c’était la fin du monde et des bruits puissants font penser à un concert de heavy metal, en moins mélodieux. Après avoir déchargé des voitures flambant neuves toute la journée d’hier, ce sont à présent des modèles produits ici qui sont embarqués. Chaque véhicule est conduit sans ménagement depuis les vastes parkings jusqu’au bateau et des petits combis assurent la navette pour les pilotes.

Tracé de la promenade.
Tracé de la promenade.
Lego-ville.
Lego-ville.

46 Zarate

47 Zarate
C’est à la nuit tombée que le navire appareille et descend le Rio Parana vers l’océan Atlantique. Dans le poste de commandement et à l’extérieur du navire, toutes lumières sont éteintes et la navigation se fait dans le noir, à l’aide des appareils tels que le GPS, le sonar et le radar.

28 mai 2016 – #8 – Navigation sur le Rio de la Plata et au large de l’Uruguay
Déjà une semaine que nous sommes à bord et nous voici revenus à notre point de départ : Montevideo se dessine vaguement au loin, dans la brume froide et ventée. D’ici peu, le navire abandonnera son dernier pilote uruguayen et quittera ce chenal de navigation qui concentre la marine marchande sur le Rio de la Plata. Après une semaine, nous n’avons toujours pas eu droit à la fameuse visite technique du navire, ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué, mais, tel un fin limier, j’ai pu glaner quelques précieuses informations confidentielles que je ne manquerai pas de vous dévoiler ici.
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51 Rio Plata

52 Rio Plata

Madame est servie.
Madame est servie.

Notre esquif couvre donc 211 mètres de long pour 32 mètres de large, vous le saviez déjà. Véritable immeuble flottant, il comporte 13 niveaux et cumule ainsi une hauteur totale de 40 mètres, sans compter les antennes (encore une dizaine de mètres), mais comme la partie immergée est de 9,4 mètres (avec une variation de quelques dizaines de centimètres en fonction de la charge), nous ne ferions qu’une chute d’une trentaine de mètres si nous tombions malencontreusement du pont « de navigation », le n° 12, où nous nous promenons quotidiennement. A sa vitesse de croisière, 21 nœuds, le bateau ne consomme que 48 tonnes de fuel par jour pour transporter jusqu’à 2.500 voitures et 800 containers, soit une charge totale d’environ 20.000 tonnes. Le bateau lui-même pèse déjà 27.000 tonnes lorsque tous les pleins sont faits (rien qu’un petit 4.000 tonnes pour les carburants). A pleine charge, il atteint les 92.000 quintaux. A côté de notre motorhome, c’est impressionnant, mais pas en regard des nombreux navires déjà croisés : on réalise vite qu’il y en a beaucoup du même acabit et même des bien plus grands encore. Comme tous les soirs, avant d’aller me coucher, je relève la position GPS et j’aperçois les lumières du phare de La Paloma (et non pas d’Alexandrie) où nous étions il y a quelques semaines. La météo n’est pas meilleure et la nuit sera agitée.

29 mai 2016 – #9 – Navigation au large du Brésil
En fait, cette nuit n’en fut pas une. Jusqu’à présent, nous n’étions incommodés que par le bruit continu et en sourdine des moteurs, quelques grincements et claquements, ou encore des activités courantes de navigation et de port. A présent, le roulis (mouvements oscillatoires de gauche à droite) et le tangage (mouvements oscillatoires d’avant en arrière) provoque un bruit continu qui ressemble à un cheval trépignant sans arrêt dans une des parois de notre cabine, et toute la nuit, j’entends le tac-tac-tac (des mitraillettes qui reviennent à l’attaque). Catherine est allée se réfugier près des kets, m’abandonnant à mon triste sort. Dès le matin, le regard éteint bien qu’assez remonté par cette mauvaise nuit, j’en avise notre steward et l’équipage qui remarquent ma détermination et consentent finalement nous changer de cabine, du moins jusqu’à Hambourg où on risque d’embarquer d’autres passagers, c’est toujours ça de pris. Au moins, nous n’avons pas la nausée, et mis à part Valentin le téméraire, l’intrépide, le casse-cou, qui n’oublie pas d’ajouter une petite cicatrice à sa belle collection, nous sommes tous en pleine forme et santé, abstraction faite du manque de sommeil. Une longue journée de navigation s’offre à nous, les conditions ne nous permettent ni de nous promener sur le pont (… d’Avignon), ni de griller le tapis roulant : ça remue trop. Par contre, c’est dimanche et le cuistot semble s’être réveillé : lasagnes, fromages, pommes sautées et choux à la crèmes nappés de chocolats. Tant qu’à vomir, autant avoir l’estomac bien rempli. On verra cette nuit !
54 Large Brésil

55 Large Brésil

Bon appétit.
Bon appétit.

30 mai 2016 – #11 – Navigation au large du Brésil
On a vu et rien n’est ressorti si ce n’est par les tiroirs et armoires, dont la plupart des charnières et fermetures sont skettées de chez skettées et qui avaient tendance à s’ouvrir et se refermer au gré des vagues. Heureusement que j’avais prévu le coup, ayant lu avec attention le blog de Claudia und Thomas (http://on-tour-again.blogspot.com), nos amis allemands qui ont fait le même trajet sur le même bateau il y a deux mois. J’ai donc sorti le Tesa, un rouleau de PQ et mon outil multi-usage afin de bloquer les ouvrants et ce n’est qu’en fin de nuit que la houle s’apaisera et que la grasse matinée se méritera.

Represent Mc-Gyver.
Represent Mc-Gyver.
S'aimer, c'est ...
S’aimer, c’est …

59 Paranagua

60 Paranagua

61 Paranagua
La mer s’étant calmée, je peux retourner à la salle de sport. Je tiens la grande forme : le tapis-roulant est grillé en moins de deux minutes, je me rabats sur les plaques en fonte. En fin d’après-midi, le Grande Angola effectue au ralenti sa manœuvre d’approche et d’ancrage dans la zone ad-hoc au large de Paranagua, la prochaine escale, et la mer est d’huile au moment d’aller se coucher.

31 mai 2016 – #12 – Ancrage au large de Paranagua
Véritable purée de pois ce matin, non pas dans mon assiette, mais sur le pont dont on discerne à peine à l’autre bout. En tout cas, ceci n’empêche pas Nicola, le cook, de pêcher du poisson frais, mais comme il n’a que deux prises, qu’il ne résiste pas à nous exhiber fièrement, il les consacre à nos kets, estimant que c’est mieux pour des petits garçons de manger du poisson bien frais.
62 Paranagua

Blub-blub-blub.
Blub-blub-blub.

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Depuis notre changement de cabine, nous utilisons les sanitaires de la chambre des kets, nos facilités étant partiellement hors d’usage. Après avoir longuement insisté, un technicien est dépêché et règle le problème en moins d’une minute. C’est aussi la durée que tiendra la réparation. Nous faisons donc nôtre cette maxime de William Arthur Ward : « Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles » et continuons à partager la salle de douche avec les kets. L’équipage met à profit la journée d’arrêt, l’un pour regarder un film d’action à fond les manettes, l’autre pour repeindre la piste de l’héliport. Pour nous, ça ne change pas grand-chose : nous ne sommes pas privés de cappuccino à midi.

Peinture fraiche.
Peinture fraiche.
Monsieur est servi.
Monsieur est servi.

1er juin 2016 – #13 – Port de Paranagua
Comme nous l’avait annoncé le capitaine, une des rares fois où ce grand timide devant l’Eternel (je ne prétends pas être Immortel) a daigné nous adresser la parole, le pilote du port de Paranagua est monté à bord tôt ce matin et le navire appareille dans la baie portuaire alors que nous terminons le petit-déj, pour s’arrimer après avoir effectué un demi-tour complet, assisté de deux petits remorqueurs maousses costauds. Nous savons que dans ce port, les sorties sont souvent soldées d’échec, mais fondons de grands espoirs lorsqu’un officier nous annonce, vers 10h, qu’on pourra sortir dans une heure (à 11h, donc). En toute logique, l’agent maritime vient nous chercher à 13h, le capitaine et le second se joignent à nous (ou nous nous joignons à eux, je ne sais plus trop), et nous retrouvons un troisième acolyte qui se révèlera être, après enquête, le remplaçant du chief officer, rappelé au pays pour raisons familiales. Entassés à huit dans la Chevrolet Zafira de l’agent maritime, nous traversons la ville « au charme certain » selon le guide pour nous arrêter à la clinique où les officiers font des prises de sang. De là, nous nous rendons au commissariat principal de la ville pour remplir les formalités d’immigration, tandis que le capitaine repart avec son second.
67 Paranagua

Le pied de grue.
Le pied de grue.

69 Paranagua

Paranagua by day.
Paranagua by day.

71 Paranagua

72 Paranagua
La petite sortie est carrément en train de tourner en queue de boudin et le mari de ma femme, toujours aussi brillant dans ces moments hasardeux, a l’idée lumineuse de demander (et d’obtenir) le code du wifi au restaurant d’en face (signal : Consultorio, code : isabela16), ce qui nous permet de communiquer et d’envoyer des nouvelles à la famille pendant que les trente et un passeports sont tamponnés. Nous apprenons ainsi que le Grande Angola n’arrivera que le 5 juillet à Anvers (au lieu du 28 juin). Le capitaine, appelons-le Moustache pour préserver son anonymat, s’était bien gardé de nous le dire. A priori, ça ne nous dérange pas, si ce n’est qu’on doit annuler les stages de vélo et natation des kets, prévus la première semaine de juillet (quel sens de l’organisation, n’est-ce pas), et que ça devient chaud patate pour la famille qui reprend le camping-car. Après une bonne demi-heure, ou plutôt une mauvaise demi-heure, l’agent nous récupère et nous raccompagne au bateau vers 15h. Ça, c’est de la sortie ! Nous avons donc tout le loisir de passer cette fin d’après-midi à observer les activités portuaires. Le port de Paranagua est l’un des principaux ports du Sud brésilien, d’où sont exportés le bois, le soja transgénique et le café. Les infrastructures sont impressionnantes : pas moins d’une trentaine de ponts roulant, d’une vingtaine de grues et un balai incessant de camions qui manipulent les containers comme de vulgaires boites de chaussures.

2 juin 2016 – #14 – Ancrage au large de Santos
Le navire a quitté le port de Paranagua en début de nuit, alors qu’une pluie diluvienne venait gonfler les eaux, mais pour une fois, elle ne tambourinait pas sur le toit de la capucine. En fin de matinée, le navire jetait déjà l’ancre au large du port de Santos. Depuis notre arrivée sur le bateau, nous avons l’impression de déranger les officiers (les ritals qui le restent) et nous sentons s’installer progressivement une pesante atmosphère de huis-clos, alors que toute communication se limite au strict minimum, et la sortie d’hier n’a rien arrangé. Si tu ne viens pas aux VW on the Way, les VW on the Way viendront à toi. J’attends donc l’heure du lunch pour m’adresser à Moustache, expressément devant tout l’équipage, en commençant par lui demander s’il préfère que je m’adresse à lui en français, en néerlandais, en anglais ou en espagnol. Ça sera dans la langue de Shakespeare que je lui ferai mon petit laïus dont l’avenir nous dira s’il portera ses fruits, ce dont je doute, entendu les pauvres réponses qu’il a péniblement broebelées. Deliriant isti Romani. Et je dirais même plus : fortissimi sunt belgae.

 

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