17 octobre 2015.
Nuit bruyante et agitée sur le parking de la Copec près de l’aéroport, terminée par un semblant de grasse matinée jusqu’à 9h30 mais c’est tout relatif vu qu’il n’est que 7h30 au même moment à l’île de Pâques, on est en plein jet lag. Le petit déjeuner est frugal, le frigo ayant été vidé avant notre escapade, mais faites confiance à Madame pour le remplir après un tour au supermercado. Chemin faisant, un motard me signale le gros panache de fumée qui se dégage du pot d’échappement, je l’avais remarqué aussi, difficile de le louper. D’après lui, c’est un problème d’injection lié au mauvais carburant, vu tout ce qu’on a traversé, ça ne m’étonne pas. Nous restons donc sur la capitale, que nous visiterons ce week-end en attendant l’ouverture du garage Iveco lundi. Nous nous installons à côté d’une plaine de jeux, au pied du Cerro Cristobal, qui abrite le Parque Metropolitano, le plus grand parc de la ville. Je pars me promener dans les environs, jusqu’au Costanera Mall, dominé par la plus haute tour d’Amérique du Sud, flambant neuve, elle atteint 300 mètres de haut.
Le mall est impressionnant, d’autant plus en venant d’où on vient (l’île de Pâques, vous ne saviez pas ?). Ça grouille de monde, l’endroit recèle un nombre incroyable de boutiques parmi lesquelles, croyez-le ou non, une banque Ripley. Retour au bivouac, souper en famille et gros dodo.
18 octobre 2015.
C’est l’effervescence ce matin au Parque Metropolitano, le parking est comble, comme hier CC reste donc dans la rue, juste devant le garde. Nous marchons dix minutes pour arriver à la station Los Leones. Le métro de Santiago a été construit dans les années septante et ressemble farouchement au métro bruxellois (salut les gars) : vastes quais sous mezzanine, troisième rail qui alimente les trains en électricité, belles mosaïques sur les murs et peu de bancs. Quelques stations plus loin, nous sortons à Plaza de Armas, en plein centre historique. C’est aujourd’hui dimanche et de nombreuses rues sont fermées à la circulation automobile, rendant la visite plus agréable. Le Musée Historique National présente de belles pièces retraçant l’histoire du pays, dans un bel édifice colonial dont les parquets craquent sous nos pas lestes. Les kets sont passionnés par la visite, on a à peine le temps de lire les explications tant ils posent des questions.
A côté, la cathédrale métropolitaine est quelconque, à défaut d’être petite et, dans l’ensemble, le centre historique possède peu de choses à offrir, en comparaison avec les belles villes coloniales du Mexique et du Pérou. Nous rentrons au bivouac et je m’élance seul à l’assaut du Cerro Cristobal en montant jusqu’au Mirador d’El Hundimiento qui se découvre à la lisière de la forêt. Il réserve une vue imprenable sur la ville et ses quelques gratte-ciels, ces derniers n’atteignant toutefois pas les sommets enneigés de la cordillère des Andes, en arrière-plan. De retour au CC, je trouve ma Princesse en grande conversation avec un couple d’overlanders américain, voyageant dans une ambulance convertie en RV tout terrain. Ils restent près de nous pour la nuit et se rendront à l’ambassade de l’oncle Sam demain.
19 octobre 2015.
Une bonne petite journée, aussi pourrie que la météo. On arrive bien à l’heure d’ouverture du garage Iveco, mais ils sont trop occupés pour nous prendre en charge aujourd’hui. La fumée qui permet de nous suivre à la trace (juste les premiers kilomètres, rassurez-vous) étant sans doute liée à l’injection et à la combustion, le chef de l’atelier nous propose d’aller directement chez son spécialiste : Bosch, qui paraît-il fait du travail de pro. Je fais appeler le patron qui nous invite pour demain. On fait donc quelques courses et on va s’enterrer dans une Copec pour rester à portée de roues de la capitale. Il pleut toute la journée, j’occupe les kets en réalisant des dinosaures en carton prédécoupé, un cadeau lumineux de mes beaux-parents (ma vengeance sera terrible) : plus d’une heure de patience, de pliages et de bouts de papiers collant, alors qu’il ne faudra que quelques secondes pour les aplatir avec une météorite appelée Valentin.
20 octobre 2015.
On avait mis le réveil, comme pour aller au boulot, mais c’est sans vergogne que je l’ai éteint dès la première sonnerie. On est en congé sabbatique, oui ou non ? Au garage Bosch, j’explique la situation en détail, et rien qu’en l’expliquant, je me dis que s’il n’y a pas de fumée sans feu, il n’y a pas de pot d’échappement sans fumée non plus. Bref, le patron me dit que soit on continue comme ça en attendant de voir qu’est-ce qu’il se passe, mais que se passe-t-il, vu que le CC roule bien finalement, soit on reste trois jours au garage à tout démonter et remonter pour poser un diagnostic qui dira peut-être qu’en fait, tout va bien. Merci patron, salukes, hein ! On roule un peu et, comme ça par hasard, on débarque au camping La Higuera de Limache où nous avions déjà passé un long séjour. Mais nous ne sommes pas là pour rigoler : on a du pain sur la planche.
21 octobre 2015.
On a bien dormi, et heureusement vu la journée qui nous attend. Catherine fait la lessive, à la main. Ne vous imaginez surtout pas que je vais l’aider, car si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en l’aidant qu’on devient laideron. Rochefort est à moi. Bref, je m’occupe des kets. Au programme : art graphique (des scraboutchas), littérature (quelques lettres pour former un mot) et arithmétique (addition des nombres jusqu’à 10). Puis c’est une longue récré pour les kets, ce qui me permet de publier un article en édition spéciale sur le site. Bref, vivement demain qu’on se repose un peu.
22 octobre 2015.
Exceptionnellement, la rédaction a décidé de censurer le texte correspondant au compte-rendu de la journée qui est en liaison avec des évènements devant se produire dans le futur. La rédaction a décidé de ne pas altérer ce futur en publiant le texte de l’auteur, créant un précèdent sans égal en matière de censure. Catherine, où t’as mis les clés de ma Delorean ?
23 octobre 2015.
Le camping va aujourd’hui sombrer dans la débauche et la dépravation, mais nous n’y sommes pour rien. Une bande organisée d’au moins deux cent étudiants débarque pour une méga fiesta style Spring Break. Certes, nous pourrions rester et leur donner une petite leçon, digne de notre glorieuse époque estudiantine mais ce qui compte à présent, c’est de ne pas se donner en spectacle devant nos héritiers. Nous reprenons ainsi la route, en direction du Sud sur la trace des poètes. Première et dernière étape à Isla Negra, petit village qui n’a rien d’une île mais où se situe la maison de Pablo Neruda, de son vrai nom Ricardo Eliecer Neftali Reyes Basoalto (rien que ça), célèbre poète chilien engagé en politique et dont l’œuvre autobiographique « J’avoue que j’ai vécu » est parue après sa mort.
Le CC est stationné près des bus de tourisme, dans une rue de terre qui donne sur l’océan et c’est vraiment très beau. Jusqu’à ce que l’agent municipal vienne nous déloger, sous prétexte que ce n’est pas sûr et qu’en plus on devrait payer pour ça. Une brave âme charitable nous propose alors de stationner dans la cour pouilleuse de sa maison, mais nous demande autant que trois nuits de camping. Et avec ça, on n’a même pas accès à des sanitaires, à l’électricité et à Internet. Faut pas pousser pépé dans les orties sous le prétexte qu’il est un peu piqué. Pas grave, m’explique-t-il, on peut laisser le CC dans la rue devant chez lui, pour seulement le double du tarif du parking municipal. Comme le chantait le brillant auteur-compositeur-interprète Helmut Fritz dans son tube éponyme en 2009 : « Ça m’énerve ». Nous repartons donc alors que la nuit tombe, direction la Ruta 5 et ses charmantes stations Copec.
24 octobre 2015.
Nous poursuivons la descente du Chili sur la Ruta 5, mais vraiment sans se presser : seulement 203 kilomètres pour aujourd’hui, on s’offre des moments de détente : plaines de jeux Copec et Bodega Miguel Torres. Bien que récente, vu qu’elle a été fondée en 1979, cette dernière a acquis une grande renommée, et plus encore depuis notre passage. Pour le bivouac, merci Copec.
25 octobre 2015.
Toujours à s’naise aujourd’hui, mais on parvient à être plus efficaces : plaine de jeux, Salto de Laja et 387 kilomètres, sans s’énerver. Bivouac Copec, le dernier avant longtemps.
26 octobre 2015.
Aucune raison de s’éterniser ici, surtout vu ce qui nous attend : les magnifiques paysages de la région des lacs chiliens. Mais avant ça, nous nous arrêtons dans une des nombreuses area de descanso sur la Ruta 5, juste après Temuco. Les douches y sont chaudes, propres et gratuites, en fait incluses dans les nombreux péages dont nous nous acquittons depuis Santiago. Nous nous installons ensuite à Pucon, au bord du lac Villarica, dominé par le volcan du même nom. La ville n’est pas désagréable, petite et très touristique mais calme en cette période creuse. Les bâtiments en bois rappellent les cités huppées de Banff et Jasper au Canada, mais les maisons privatives sont ici plus modestes. Nous flânons dans le centre et le long de la promenade devant le lac qui compte 173 km². Ayant positionné le CC idéalement face au lac dans la marina, je scrute le coucher de soleil par le hublot de mon poste d’observation (la capucine), jusqu’au moment fatidique où je suis contraint de sortir pour mitrailler sans retenue avec mon APN. Difficile ne pas remplir la carte mémoire de l’appareil ! Si les photos peuvent paraître banales, finalement, elles ont au moins le mérite d’exister et de prouver que, nous au moins, on y était ! Même le volcan qui culmine à 2.853 m, habituellement voilé, nous fait l’honneur de se découvrir entièrement sous les chaudes couleurs orangées du soleil tombant.
27 octobre 2015.
Une magnifique journée se profile devant nous, le volcan est dégagé, on aperçoit même des volutes de fumée qui s’en échappent, ce qui semble être rare. Nous saisissons l’occasion pour aller le voir de plus près. N’oublions pas que le volcan est très actif, la dernière éruption remonte au 3 mars 2015, et une signalétique ad hoc est affichée dans toute la ville. La prudence s’impose.
Ça grimpe bien, sur une route asphaltée, et nous laissons le CC au bureau des guardaparque où commence la piste du parc national. Pour une fois en bon état, nous aurions pu la gravir en motorhome, mais nous préférons nous dégourdir les jambes. Il n’y a que 4,5 kilomètres en montée et autant en descente finalement, une broutille pour des randonneurs expérimentés comme les kets. En se rapprochant du volcan, on traverse une importante coulée de lave datant de 2008, et on distingue les remontées mécaniques de la station de sports d’hiver, à l’arrêt aujourd’hui malgré l’abondante neige. Il n’y a qu’à se retourner pour avoir une autre vue, splendide, sur le lac Villarica et son environnement boisé.
Trop contents d’avoir enfin trouvé un bon bivouac, nous retournons au bord du lac à Pucon. C’est calme la nuit, il y a un bon wifi à l’office du tourisme et même des toilettes au magasin Falabella. J’écume les bureaux de change en prévision de notre prochain séjour en Argentine, de sorte à changer un gros paquet de CLP (pesos chilien) en ARS (pesos argentins). D’un bureau à l’autre et après négociation, je gagne dix points et change ainsi à 60 pourcents au-dessus du taux officiel (Casa de cambio au local 14 du Paseo Los Volcanes), de quoi augmenter notre niveau de vie de manière significative, pour autant qu’on paye tout en liquide, le taux officiel étant appliqué pour les paiements par carte bancaire ou de crédit.
28 octobre 2015.
Ça fait trois jours qu’on voit passer les petits bateaux dans la baie du lac, les kets ne demandent qu’à en prendre un, bien qu’il n’y ait rien de spécial ou d’extraordinaire à voir en plus depuis le lac. Bref, on se tâte, je tâte mon épouse, mais les kets, eux, sont déjà convaincus. Nous faisons donc leur bonheur, comme celui du capitaine, désespéré de remplir son navire. Il nous fait une offre familiale que nous ne pouvons refuser et nous voilà partis en croisière.
Rien de spécial à voir en plus donc, mais c’est joli et ça fait plaisir à tout le monde. Nous profitons ensuite du wifi de l’office du tourisme pour contacter les familles qui remontent vers le Nord (les Janco et les Mollalpagas), en espérant bien les croiser prochainement !
29 octobre 2015.
Ce n’est pas qu’on pue mais on a bien besoin et surtout envie d’un long bain chaud. Nous nous arrêtons pour cela aux thermes Trancura. Ce ne sont pas les plus beaux de la région, qui en regorge, mais ils sont faciles d’accès depuis la route internationale qui nous mènera très prochainement en Argentine. Il y a peu de monde en cette période, et nous restons longuement seuls dans un bassin à 39 °C, avant de rejoindre un groupe du troisième âge dans la piscine à 40 °C. Le centre thermal est lové dans la nature verdoyante et offre une belle vue sur un volcan bien dégagé.
Après trois heures à ce régime, les kets sont un peu rouges, comme si on les avait fait cuire longtemps à basse température pendant un atelier de cuisine fusion pour bobos rue Dansaert. Pour le bivouac, nous sommes autorisés à rester cette nuit, de sorte que nous n’irons pas plus loin aujourd’hui, ce qui nous donnera l’occasion de bien se réhydrater comme il se doit.
30 octobre 2015.
Bonne nuit, très calme dès que le centre thermal a fermé ses portes. Nous reprenons la bonne route 199CH mais pas pour longtemps, seulement une trentaine de kilomètres pour arriver au secteur Puesco du PN Villarica qui compte trois volcans encore en activité, le Villarica (2.857m), le Quetrupillan (2.360 m) et le Lanin (3.747 m), ce dernier étant situé sur la frontière avec l’Argentine. Nous nous arrêtons sur un beau parking le long de la route peu fréquentée et, le col frontalier étant fermé la nuit, y restons pour le bivouac qui s’annonce calme, si ce n’est le bruit de la cascade toute proche mais inaccessible, même à pieds. Les kets jouent un long moment sur un grand terrain herbeux bordé par un ruisseau, je les surveille et j’admire le paysage du coin de l’œil.
31 octobre 2015.
Ça caille au réveil, mais comme l’époux de ma femme a fort judicieusement positionné le motorhome, le soleil fait son œuvre et réchauffe l’habitacle, au grand soulagement des plus frileux. Le col frontalier de Mamuil Malal n’est plus très loin et il est facile d’accès, côté chilien du moins, par une bonne route asphaltée qui traverse des forêts d’araucarias, ces arbres majestueux, devenus emblématiques au Chili, figurant en bonne place sur le drapeau national. Les formalités de sortie ne prennent que quelques minutes, il est toujours plus facile de sortir d’un pays que d’y entrer.