20 novembre 2014.
Il n’a fait que moins 3 degrés cette nuit, quel confort! Nous arrivons rapidement au Kolob Canyon, la partie la moins touristique du Zion NP, mais comme on passe par là, nous montons jusqu’au Timber Creek Trail d’où paraît-il, le Grand Canyon est visible.
Nous l’avons peut-être vu sans le savoir, en tout cas, nous savons ce que nous avons vu : un paysage grandiose. Nous repartons jusqu’à Hurricane et passons pour la première fois depuis une bonne semaine sous la barre des 4000 pieds. Il ne gèlera pas cette nuit.
21 novembre 2014.
Le programme du jour, c’est le Zion NP où nous arrivons tôt dans la matinée pour assurer notre place sur le south campground, car même en basse saison, il affiche vite complet à l’approche du WE. En prévision des prochaines nuitées glaciales, je voulais remplir la bombonne de gaz vide, mais le pompiste n’a pas accepté, car figurez-vous qu’il s’agissait d’un modèle trop ancien, dépourvu de valve de sécurité pour le remplissage. Alors pensez-y le jour où vous achèterez une bombonne au Canada dans l’espoir de la remplir au USA, c’est possible, mais assurez-vous bien que votre bombonne est dotée de cette valve. Très grand seigneur, le pompiste propose de me l’échanger contre un nouveau modèle déjà rempli au tarif conventionnel, ce que j’accepte sans hésiter.
Au campground, nous choisissons stratégiquement un emplacement qui offre un bon ensoleillement, histoire d’accumuler la chaleur en prévision de la nuit, puis nous suivons le Watchman Trail (niveau modéré, 6 km A/R depuis le camp, quelques passages escarpés) qui offre un point de vue sur le Lower Zion Canyon. Je vous passe les détails géologiques que je n’ai pas encore lu : c’est carrément fabuleux. Malgré la sécheresse qui règne ici, quelques plantes arrivent à pousser dans les recoins ombragés et plus humides du canyon.
De retour au camp, qui commence à se remplir en cette fin d’après-midi, arrive un Fangio avec une vieille américaine (une voiture) qui menace de percuter le pare-choc arrière du CC. Il vient me voir et me sort qu’il a vu ma plaque belge. Après lui avoir rétorqué qu’effectivement il a dû la voir de très près, je lui explique notre voyage qui le laisse pantois. Une fois la nuit tombée (ouh là, il est au moins 19h), je ressors prendre l’ambiance du camping et ce ne sont pas les nombreux feux de camp, incontournables ici, qui m’empêchent d’admirer un ciel étoilé comme j’en avais plus vu depuis longtemps. Je ne manque pas non plus d’apercevoir un autre véhicule immatriculé en Belgique : vivement demain pour aller à la rencontre de ses occupants.
22 novembre 2014.
Aujourd’hui, c’est déjà demain. Bart vient nous voir : il nous avait également repéré hier soir. Il voyage avec sa compagne Natacha et leur fille de deux et demi, dans un fourgon VW LT aménagé, en Amérique du Nord au Sud. Nous avons plein de chose à raconter, alors nous faisons un bout de chemin ensemble cette matinée. WE oblige, les véhicules particuliers ne peuvent pas circuler dans le parc, alors nous empruntons le service de navette, quel plaisir de se laisser conduire. Premier arrêt et première randonnée, un petit 3 km pour commencer, nous mène en bonne compagnie jusqu’à la Lower Emerald Pool, sorte de bassin naturel sous une cavité dans la paroi de Navajo Stone, cette roche sédimentaire, immense pierre de sable aux couleurs ocres.
Un petit tour de navette plus tard, nous poursuivons avec une deuxième randonné de 2 km qui nous conduit au plus profond du canyon en longeant la Virgin River. Pour aller plus loin, il faut un équipement adapté, une douzaine d’heures et un permit spécifique, bref ce n’est pas pour nous. Midi approche déjà et nous prenons congé de nos compatriotes pour terminer la visite par une troisième randonnée, un petit km jusqu’à Weeping Rock, une cavité naturelle dans la paroi. Autrefois fréquenté par les indiens, le canyon fut rédécouvert par les pionniers mormons qui furent nombreux à s’installer en Utah où les conditions de vie étaient si difficiles que personne ne voulait y venir. Les mormons avaient la motivation supplémentaire de trouver un état où ils ne seraient pas persécutés pour leurs pratiques, telle la polygamie. Les mormons étaient tellement subjugués par le site qu’il le nommèrent Zion, un lieu de plénitude invitant à la contemplation, en référence à la Bible, et ils ne s’arrêtèrent pas là : la majorité des points remarquables du parc sont également baptisés avec des références bibliques, comme la Virgin River, les trois patriarches (Isaac, Jacob et Abraham), etc. Encore une halte au muséum où les kets remplissent un carnet d’exercice pour devenir un parfait junior ranger et, après avoir solennellement prêté serment, ils reçoivent même un magnifique badge en toc et un sticker. Fourbus, nous rentrons dans nos pénates.
23 novembre 2014.
Encore un petit tour en navette, histoire d’accrocher les lumières matinales sur la carte mémoire de l’appareil photographique, puis nous passons le fameux tunnel taillé dans la roche sur près de 2 km, tellement étroit (achevé en 1931, il est calibré sur les standards de l’époque) que je dois rabattre les rétroviseurs du CC, sans quoi il faut interrompre le trafic en sens inverse et se faire escorter (et passer à la caisse bien entendu).
Nous poursuivons sur la 89, puis la 12 et arrivons en fin d’après-midi au Red Canyon dont le rouge des roches ressort avec d’autant plus de chaleur qu’il tranche avec la froideur de la neige qui persiste (et signe) en cet automne rigoureux et sous ce magnifique coucher de soleil, annonciateur du gel de la nuit qui se profile à 2.200 m d’altitude, c’est une première pour nous avec le CC.
24 novembre 2014.
La nuit a tenu ses promesses : glaciale. Étrange sentiment que d’avoir froid aux yeux en les ouvrant. Du coup on les garde fermés le plus longtemps possible, jusqu’à l’assaut inévitable des deux garçons dans notre chambre mansardée en mezzanine (bref, la capucine). Le visitor center du Bryce Canyon NP, outre les informations classiques, offre également internet par wifi, nous pouvons enfin publier un article sur le site après trois semaines de silence radio, mais ça prend pas mal de temps. Même si votre serviteur rédige quotidiennement les rapports en mode offline, il faut faire la mise en page, charger et insérer les photos. Du coup nous arrivons au Rainbow, le terminus de la scenic drive du parc pour le repas de midi. Catherine affronte avec brio les lois de la physique : les patates sont al dente, pourtant « ben oui, elles ne voulaient pas cuire mais je les ai laissées bien 30 min au lieu de 20 min d’habitude, ces patates, c’est à cause de l’altitude ». La belle ne croit pas si bien dire, le CC est à 2.750 m, du coup l’eau bout à moins de 100°C, et la durée de cuisson des patates s’en retrouve augmentée, cqfd. Le site, quant à lui, est magnifique, grandiose, voire même boulversifiant (ndla : merci les trois frères).
La palette de couleurs est immense, dans les variations autour du pourpre, du magenta, de l’ocre et du terre de Sienne.
Les Hoodos, ces formations géologiques à l’allure de cheminées, formées par d’innombrables cycles gel/dégel, confèrent une atmosphère magique aux lieux, qui cloue même le bec de nos les kets, ce qui n’était plus arrivé depuis la réparation des précieux isolants pour les vitrages de la cabine avec le duct tape (hé oui, encore lui).
Maintenant, il va falloir faire un tri dans les photos puis choisir les meilleures. Et choisir, c’est renoncer.
25 novembre 2014.
Ce qui est bien chez les mormons, c’est qu’il y a des églises un peu partout, avec de larges parkings où le CC trouve sa place derrière le bâti, bien à l’abri du vent. De là à me convertir, il n’y a qu’un pas, que je ne franchirai pas (d’ailleurs, c’est où la polygamie?). Par contre, ce que nous allons franchir aujourd’hui, ce n’est pas n’importe quoi. La route 12 nous attend d’asphalte ferme, nous allons traverser une des régions les plus reculées et sauvages des States : la route n’a que trente ans et les cartes tout autant. Avant ça, il n’y avait rien. Que dalle. Nada, niks. Et cette route nous réserve bien des surprises, après chaque virage, un nouveau virage et après chaque montée une nouvelle montée (si, si). La crête où nous roulons un moment est impressionnante : à gauche, un canyon et à droite, un ravin. Il ne nous reste plus qu’à passer le col à 3.000 m, mais le moteur chauffe tellement que je dois l’arrêter pendant dix bonnes minutes sur le bord de la route, capot ouvert pour le refroidir un peu.
Nous arrivons ainsi après 5 heures de trajet pour un malheureux 180 km (pause comprises, tout de même) au campground du Capitol Reef NP où quelques mule deer (comme des daims) gambadent en toute liberté. Nous suivons le petit trail le long de la rivière Fremont qui, avec le Sulphur Creek, alimente l’oasis transformé en verger par les pionniers mormons au début du XXème siècle. Remontant le canyon, le sentier se fait plus raide, et nous gratifie d’un beau point de vue.
De retour au bivouac, un grand feu de camp nous tient chaud alors que le soleil couchant offre le meilleur de la vaste palette de couleur des éléments qui nous entourent, pendant que quelques chevaux paisent auprès d’une vielle grange en bois.
Dans le motorhome, c’est l’effervescence, Catherine s’est transformée en boulangère et enfourne son premier pain, au menu demain matin.
26 novembre 2014.
Je vous épargnerai les jeux de mots douteux sur les belles miches de la boulangère : le pain homemade est un régal, il n’en reste d’ailleurs pas une miette.
Très motivés d’être pourvus d’un quatrième badge, mes fils remplissent avec brio et surtout avec Catherine les petits carnets d’exercices pour les juniors rangers. Un nouveau serment plus tard, genre je jure de protéger la nature et patati et patata, ils arborent fièrement leur écusson sur le torse. Nous sommes enfin bons pour la petite sortie du jour : le Cohab Canyon Trail, assez difficile par endroits mais il vaut le coup. De retour au motorhome qui est sagement resté au campground, je n’ai d’autre choix que de refaire un feu de camp : les kets adorent et ils me disent même que je sens bon le barbecue quand je leur fais le bisou du dodo. A part ça, encore un beau couché de soleil, je fais de mon mieux pour les photos.
27 novembre 2014.
Ce matin de Thanksgiving, c’est un groupe de dindes qui fait sensation (oui, oui, de belles grosses dindes sauvages). Blasés des daims qui vont et viennent dans le campground, les garçons sont fascinés par les volatiles imposants qui traversent notre emplacement. Nous suivons ce matin la route panoramique qui traverse une petite partie du parc. La route se transforme en piste caillouteuse que nous suivons sur quelques kilomètres (en serrant les fesses), puis le canyon devient tellement étroit qu’il faut continuer à pieds. Nous sommes entourés d’immenses falaises colorées sur lesquelles sont gravés à tout jamais non seulement les noms des premiers pionniers mormons, mais aussi ceux des derniers fous qui sont prêts à en découdre avec les rangers du parc. Nous retrouvons notre emplacement au campground, alors que d’autres familles s’installent autour de nous : c’est Thanksgiving aujourd’hui et beaucoup feront le pont demain vendredi.
L’après-midi est paisible, Catherine est hors-service, les enfants jouent dehors avec deux bouts de bois (vraiment pas la peine de prendre quatre caisses de jouets) et font cinq fois le tour du camping en vélo. Je ne couperai bien sûr pas au feu de camp pendant que vaillamment, la boulangère reprend du service.
28 novembre 2014.
Dès l’aube, nous reprenons la route, plus de 200 km à tracer avant d’arriver au Canyonlands NP, mais quelle route! Traversant d’abord une partie du Capitol Reef NP et ses hautes falaises ocres, elle continue ensuite dans un paysage lunaire qui ne laisse pas de marbre bien qu’il s’agisse de grès pâle, pour se terminer en une impressionnante successions de lignes droites dans le désert dont le relief est dominé par une chaîne de montagnes enneigées, en fond d’écran. Tout cela serait vraiment parfait si les deux petits nerveux au fond du bus pouvaient rester calmes plus de cinq minutes. Une fois de plus, nous arrivons dans un NP grandiose, aux multiples facettes.
C’est tout de même paradoxal que l’acteur principal qui a façonné le paysage soit quasi absent aujourd’hui : l’eau qui régnait ici en maître il y a des millions d’années se résume à présent à un fleuve et une rivière, respectivement le Colorado et la Green.
29 novembre 2014.
Nous poursuivons notre exploration de cet univers minéral du vaste plateau du Colorado avec le Arches NP, petit parc qui s’est spécialisé dans les arches naturelles.
Par une succession de phénomènes géologiques naturels (en bref : soulèvement du plateau, assèchement d’une mer, sédimentation, érosion, cycles gel/dégel), ou pour certains, de l’œuvre de la main du Tout-Puissant (sorry de les décevoir : je ne sais pas être partout) d’imposantes arches en grès rouge et autres formations rocheuses permettant toutes les interprétations selon les idées les plus poétiques ou géométriques du moment, se retrouvent clairsemées dans le parc.
Pendant la pause de midi, la fille de mes beaux-parents nous sort sa spécialité : elle casse la charnière du placard de la cuisine.
Avec l’aide précieuse de mon fils aîné, et surtout de ma foreuse sur accus, je répare les dégâts et je me réserve le droit de jeter l’opprobre sur ma dulcinée à tout moment. Nous sortons du parc en fin de journée et trouvons un agréable bivouac au bord du Colorado.
30 novembre 2014.
Petite journée. En raison du gel persistant ces deux dernières semaines, nous avons purgé les conduites d’eau dans le CC, alors on se lave comme on peut, à la bassine dans le CC ou au lavabo du campground, mais ça devient pelant. En cherchant un beau RV park avec tout confort (et surtout des douches chaudes), on remarque que pour le même tarif, on peut prendre une nuit dans un motel avec baignoire. La conclusion est vite faite. Mais comme tous nos séjours passés à l’hôtel, celui-ci n’a rien de reposant : c’est le branle-bas le combat, trois lessives, les draps et tout le toutim, ainsi que de longues et bénéfiques ablutions.