D’Ala Archa National Park à Karkara (du 5.06.2018 au 13.06.2018 – 586 km – 13.261 km cumulés)

6 juin 2018.

Après quatre nuits sur le parking complètement schiev du parc national Ala Archa, il est temps de partir. Nous avons traversé le canyon, nous allons maintenant traverser la capitale, c’est tout de suite moins agréable. Vigilance et patience sont les mots d’ordre que je suivrai, les seuls : j’ai à nouveau négligé l’ordre d’un policier qui m’invitait à m’arrêter. Rien qu’à voir son regard s’illuminer à notre vue, j’ai senti qu’il valait mieux lui faire un salut amical et passer mon chemin. Pas bien, hein. Surtout que j’ai récidivé sur l’autoroute qui relie Bichkek au lac Issyk-Koul, foert alors. Jusqu’à la pointe Ouest du lac, la route est magnifique et excellente. Après, le long de la côte Sud du lac, elle est splendide et exécrable. Comme ça, Catherine a le temps d’admirer le paysage. Moi pas. Je suis agrippé au volant et je scrute la route, qui est réparée. Réparée et encore réparée. Une route patchwork dont, par endroits, on ne distingue même plus le revêtement d’origine. Du coup, j’avance au pas, ce qui nous vaut d’être dépassés avec force d’appels de phares et de coups de klaxons. Le tout couronné par des queues de poissons. Un vrai festival. En plus, le lac est difficile d’accès, seuls quelques petits sentiers chaotiques ou sablonneux permettent de s’en approcher. Quand, enfin, j’en trouve un praticable, c’est pour arriver sur une plage jonchée de détritus, vraiment cradingue. Pas envie de rester là, nous finissons par un bivouac à la sortie d’un petit village, ça m’a tout l’air calme et paisible.

Jusqu'ici tout va bien.
Jusqu’ici tout va bien.

Édito : calme et paisible, mon œil avec. Comme souvent en milieu urbain un coin tranquille le jour ne l’est plus du tout la nuit. A peine l’obscurité arrivée, paf, re-paf et re-re-paf : les crapules écervelées du coin n’ont rien de mieux à faire que de nous balancer des cailloux. En plus de 700 nuits de bivouac dans plus de 20 pays, c’est la première fois que ça nous arrive. Je sors en criant, mais pas trop, histoire de ne pas les exciter, pas envie qu’ils recommencent. Après cette déconvenue, nuitée classique : le muezzin, les chiens, des coqs et la pluie.

7 juin 2018.

Avec ce qu’il est tombé cette nuit – de la pluie, heureusement plus de cailloux – les roues arrières sont dans l’eau, et le niveau monte encore. Ni une ni deux, c’est le branle-bas le combat, j’extirpe le CC de ce trou avant qu’il ne soit trop tard. Après une heure de route, nous arrivons à la homestay Kyal, sorte de logement chez l’habitant, où nous aurions mieux fait d’arriver hier soir. Le CC à l’abri dans la cour de la maison, je remplis la déclaration d’impôts en ligne, un lecteur de carte ID me permet d’y accéder et de finaliser l’envoi. Ce n’est pas drôle mais il faut bien s’en occuper et je sais que les prochaines semaines seront trop chargées pour cela. Pendant ce temps, Catherine termine les Bouba et Ixa avec les kets. Puis, nous nous promenons dans le petit bled aux rues poussiéreuses. Nous visitons un petit atelier d’artisanat, une dame brode dans de la laine bouillie, mais la communication avec la brave femme est très limitée.

Atelier.
Atelier.
Streets of Bokonbaevo.
Streets of Bokonbaevo.
Salade de fruits.
Salade de fruits.
La banque.
La banque.

8 juin 2018.

La journée d’hier fut prolifique : non seulement la déclaration d’impôts est terminée mais en plus le site est à jour. Depuis quelques temps, je m’interroge sur la nécessité de vidanger l’huile du moteur. Le CC touche les 13.000 km parcourus depuis la dernière vidange et vu l’état des routes et la qualité du diesel, j’ai des doutes. Je consulte un mécanicien qui contrôle le niveau et en effet, l’huile est noire de chez noire, il est temps de la changer. Par contre, il n’a pas le bon filtre, tant pis, je prends ce qui me semble être la meilleure huile et il se met immédiatement à l’œuvre.

De l'huile de coude.
De l’huile de coude.

 

Lac Issyk Koul.
Lac Issyk Koul.

A12.08 Issyk Koul
Nous pouvons repartir à la recherche d’un bon bivouac au bord du lac. Après six heures de conduite pour un malheureux 140 km, le bivouac est au bord d’une rivière : nous n’avons pas trouvé de bon spot près du lac, c’était soit inaccessible, soit dégueulasse. Nous avons donc quitté la route principale pour remonter la rivière Jeti-Oghuz et nous nous sommes arrêtés à côté des Sept Taureaux, curiosité géologique due à l’érosion d’une roche sédimentaire rouge-ocre, c’est magnifique. La route continue, et se transforme en piste fort caillouteuse pour accéder à la vallée des Fleurs, où se trouve un jailoo, pâturage d’été des troupeaux, mais l’orage qui a éclaté nous a dissuadé de poursuivre notre chemin pour aujourd’hui.

Et au milieu coule une rivière.
Et au milieu coule une rivière.

9 juin 2018.

Excellente nuit à côté du petit torrent, mais le temps est incertain. C’est déjà magnifique d’être ici, il faut faire l’école et Catherine n’est pas au mieux, nous décidons de rester, tant pis pour la Vallée des Fleurs. Bien nous en a pris vu les grains qui sont encore tombés l’après-midi. La rivière, qui était teintée de reflets gris et verts ce matin est à présent chargée en sédiments et passe du café au lait au chocolat (bleu pâle).

Sept Taureaux.
Sept Taureaux.
Salut, ça yourte ?
Salut, ça yourte ?
Avant.
Avant.
Après.
Après.

Nous sommes très bien là, les kets jouent dehors dès que le temps le permet et nous croisons deux Belges étonnés de voir un CC immatriculé dans notre Royaume. Nos voisins sont très sympa aussi, ils viennent régulièrement remplir des seaux à la source devant le CC et nous font des saluts amicaux, point de lancer de cailloux par ici.

10 juin 2018.

Encore une bonne nuit, bien qu’assez fraîche, mais l’atmosphère est vite réchauffée par le soleil. C’est la fête des pères, les garçons m’offrent les bricolages qu’ils ont réalisé avec amour dans le plus grand secret, ça représente tellement pour moi, tout comme de vivre ensemble encore un voyage extraordinaire.

I love you daddy !
I love you daddy !

Extraordinaire comme l’expérience qui s’ensuit : tandis que je prends un caleçon propre dans mon armoire (oui, ça m’arrive), une araignée sort de mes vêtements. Énorme. Horrible. Avec des poils, même. J’active la procédure d’évacuation d’urgence et je me lance – seul – dans un duel sans merci avec l’animal sauvage, dont l’issue lui sera fatale. Qu’elle repose en paix dans son linceul de papier toilette. Si je suis déjà le héros de la journée, mon aura va encore briller dans les yeux de mes héritiers, nous confectionnons ensemble un radeau qui ressemble à autre chose qu’à un fagot. Entre-temps, la rivière a retrouvé ses belles couleurs et mon épouse a mené une opération de nettoyage de grande envergure. Ainsi se passe notre trépidante journée.

Radeau.
Radeau.
Rien à ajouter.
Rien à ajouter.

11 juin 2018.

Voilà, après trois nuits à l’ombre des Sept Taureaux, nous reprenons la route jusqu’à Karakol, pour les ravitaillements d’usage. Nous y dépensons nos derniers soms, puis nous poursuivons jusqu’à Tyup, à l’extrémité Est du lac Issyk Koul, long de 170 km, que nous avions perdu de vue. Nous allons parcourir nos derniers tours de roues vers l’Est, dans le beau paysage de la vallée de Karkara, dont les douces colines vertes se perdent à l’horizon. Nous ne sommes plus qu’à 10 km de la frontière kazakhe, mais nous préférons passer encore une nuit au Kirghizstan et admirer encore un peu ce tableau empreint de plénitude.

Karkara.
Karkara.
Après une journée de route.
Après une journée de route.
Voilà, fieu.
Voilà, fieu.

12 juin 2018.

Une bonne nuit, un beau paysage et une météo clémente. Banco, nous nous offrons une journée de relâche. De relâche, certes, mais pas de glande totale, faut pas pousser. Nous terminons les évaluations formatives des kets, avec une grosse dictée et un poème de Maurice Carême à réciter par cœur en bonus. Les parents ne sont pas en reste vu qu’ils peaufinent l’itinéraire des prochaines semaines, au jour le jour, afin de préciser les dates pour la prochaine demande de visa, que nous devons introduire à Almaty cette semaine. Catherine et Alexis arrivent à rester enfermés le reste de la journée à bouquiner dans le CC tandis que je sors avec Valentin pour découvrir les environs.

Carnet de voyage.
Carnet de voyage.

A12.21 Karkara
En fin d’après-midi, deux gamins sur le dos d’un cheval viennent nous rendre visite. Ils tournent autour du CC et nous observent longuement par la fenêtre, du haut de leur canasson. A peine plus âgés que nos kets, ils finissent par demander des cigarettes. Ils repartiront avec des doudous ! Mais quelques minutes plus tard, ils reviennent avec un bouquet de fleur des champs pour Catherine. Charmants.

Les fleurs, c'est périssable.
Les fleurs, c’est périssable.

A12.23 Karkara

13 juin 2018.

Aujourd’hui se tourne une page importante de notre voyage : nous allons atteindre le point le plus éloigné de notre domicile fixe. Mais avant cela, il nous reste encore une dizaine de kilomètres de route déglinguée qui n’a pas dû voir de cantonnier depuis l’ère soviétique.

Bout du monde.
Bout du monde.

Le poste frontière est isolé, perdu au milieu d’immenses pâturages qui font dire à mon épouse : « Au moins, les bêtes ne manquent pas d’herbe ici ». Les officiers kirghizes sont sympathiques et les formalités sont très vite réglées, le temps que je m’installe au volant du camion, Princesse et les kets ont déjà franchi la barrière du Kazakhstan.

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