4 août 2018.
Après un long et fastidieux passage de frontière en venant d’Estonie – non, j’déconne – nous poursuivons sur la bonne route côtière sponsorisée par l’Europe, avant de bifurquer sur la P11 puis la P14 où l’Europe n’est pas encore passée (comprenez : 20 km de vibrations, toutefois nettement moins intenses que sur la route de Darvaza), jusqu’à Cesis, petite cité médiévale isolée au Nord du Parc National de la Gauja. Nous y visitons d’emblée le château-fort qui a connu son plus grand essor sous le règne des chevaliers Porte-Glaive de la Confédération de Livonie de l’ordre des chevaliers teutoniques, ou un truc de malade dans le genre.
Ces preux chevaliers s’étaient mis en tête, sous leitmotiv religieux, de conquérir et convertir la région, et même probablement (l’)au-delà. Flanqué de deux tours fortifiées que nous pouvons pénétrer éclairés d’une simple bougie (notez que les kets nous ont tenu la chandelle), il est doublé d’un manoir cossu plus récent occupé par les von Sievers, de la noblesse allemande d’avant notre époque, c’est à dire, dans le chef de nos kets, il y a très très longtemps. Histoire de bénéficier d’un bivouac paisible, nous poursuivons jusqu’au moulin à vent de Vejdzirnavas (ça calme, hein), niché sur les hauteurs et assez bien restauré, il présente les différents types de blé à moudre, sauf celui qu’on joue en bourse.
D’ailleurs, quand Catherine demande l’autorisation de passer la nuit sur le parking (public), le propriétaire du moulin voit là une occasion de se sucrer sur notre dos, un peu trop. Trop is te veel. Il devra se contenter d’Aspartam-TM parce que trente kilomètres plus loin, nous posons nos roues sur le parking du cimetière de Siguldas, nuit silencieuse assurée.
5 août 2018.
Comme ça m’arrive deux fois par an, j’ai le dos qui se tord de douleur, et je marche comme si j’avais un bâton plié en trois dans le derrière (du moins, j’imagine), alors c’est rapado pour une grande randonnée dans le parc national, mais ma charmante épouse m’accompagne quelques centaines de mètres jusqu’au point de vue sur la vallée creusée par la rivière Gaujas dominée cent mètres plus haut par les tours rondes du château de Turaida.
La vallée est très verdoyante et la forêt est très dense, d’ailleurs ça ne loupe pas : il commence à pleuvoir, nous patientons sous une aubette en dissertant. Ça se calme aussi vite que c’est arrivé, nous sortons l’après-midi visiter le château de Siguldas, ou du moins ce qu’il en reste. Malgré la restauration minutieuse, on n’en fera pas un Relais & Château. La petite ville est bien plus proprette et agréable que Cesis qui était pourtant encensée dans notre guide. Près du château, nous montons jusqu’à la cloche de la tour de l’église évangéliste luthérienne, bref dans le clocher du village.
De l’église au cimetière, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons pour une deuxième nuit calme en territoire letton, non sans être descendus jusqu’à l’entrée sombre et humide de la grotte de Gutmana, dont l’entrée est ornée de graffitis et d’armoiries, vieux de plusieurs siècles. Le nom des fous s’écrit partout, depuis toujours.
6 août 2018.
L’avantage du cimetière, outre le fait d’être calme de jour comme de nuit, c’est d’offrir des robinets d’eau claire, nous en profitons pour vidanger et curer la cuve afin de refaire le plein avec une eau certainement bénite. Il n’y a qu’une cinquantaine de kilomètres pour rallier la capitale, dont la moitié sur une route qui n’a pas encore reçu les subsides de l’Europe. Nous stationnons le camion dans le quartier Art-Nouveau, qui regorge de bâtiments remarquables, Riga en recenserait d’ailleurs plus de 700.
La rue Alberta, en particulier, concentre les plus beaux immeubles « Jugendstil », bien restaurés ou en voie de l’être. Nous poursuivons vers la vielle ville pour y déambuler au gré de nos envies, qui nous portent fortuitement dans une crêperie pour le goûter. Nous ne manquons pas l’impressionnante Maison des Têtes Noires, chantre de la guilde éponyme des marchands allemands célibataires, ainsi que la fameuse Maison du Chat, en fait une « simple » bâtisse surmontée de deux chats noirs, et le Musée letton de la Guerre.
Pas rigolo du tout, surtout tenant compte de l’histoire du pays, mais terriblement instructif. Sur le côté Est de la cathédrale de Riga, nous trouvons l’ours coloré de la Belgique, parmi les dizaines de spécimens envoyés par les pays membres de l’ONU dans le cadre d’une exposition temporaire, et nous nous amusons à retrouver ceux des Pays traversés durant notre merveilleux voyage.
7 août 2018.
Nuit étonnamment calme pour un centre urbain, nous allons présenter nos hommage à Sainte-Gertrude, patronne des voyageurs, après avoir pénétré dans son antre un peu lugubre, mais décoré de beaux vitraux. Longeant le petit canal qui entoure le vieille ville, nous parvenons au marché central qui s’étale dans de vastes entrepôts à dirigeables allemands de la Seconde Guerre mondiale, hauts de 35 m, récupérés d’une autre ville et reconvertis en marché couvert.
Cela nous replonge en Asie Centrale pour quelques instants. Ces étalages de viande et de poissons nous ont ouvert l’appétit : nous retournons à la crêperie d’hier, simple et efficace (Sefpavars Vilhelms, 56.94875, 24.10774). Nous flânons encore un peu dans la vieille ville avant de récupérer le camion. Après une heure de route, le terrain herbeux d’un petit camping nous tend les bras, les kets ont de quoi faire : trampolines, cuistax, tyroliennes, etc.
8 août 2018.
En fait, ce n’est pas un camping, c’est le paradis des enfants, mes fils ne savent plus où donner de la tête ni par quoi commencer. Nous restons encore une nuit pour qu’ils puissent s’essayer à tous les jeux disponibles, et même Catherine, qui n’a pas conduit depuis des mois, trouve enfin l’occasion de prendre le volant (d’un petit cuistax). Tout ça sous le regard stoïque des cigognes, il y en a bien plus qu’en Alsace, le pays en recense plusieurs milliers de couples.
9 août 2018.
La canicule est de retour, ça commence à bien faire, mais ça ne nous empêche pas de visiter le palais de Rundale, résultat d’une véritable success story, si pas d’une romance aveugle : Ernst Johann Biron est simple palefrenier de son état quand il rencontre Anna Ioanovna, la puissante duchesse de Courlande. Il la rencontre tellement bien qu’à peine devenue Impératrice de Russie, elle le fait baron et lui offre son duché. Mais le pey en veut plus : il suit sa maîtresse – véritable poule aux œufs d’or – à Saint-Pétersbourg, et y devient tout simplement l’homme politique le plus puissant de Russie, jusqu’à être nommé régent à la mort d’Anna.
Là-dessus, il se fait construire son petit palais d’été, inspiré des plus beaux palais de l’empire russe, en vue de passer une bonne retraite dorée, mais l’Histoire ne lui en donnera guère l’occasion. Nous optons pour la visite complète du château, qui permet de parcourir, outre les grandes salles de réception, les appartements privés des nobles seigneurs, décorés, notamment, des célèbres dentelles de Bruxelles et du bidet – qui n’est pas laid – de la maîtresse (de maison).
En guise de bonus track, nous avons droit à la répétition générale du prochain concert donné au palais. Pour nous, le concert sera celui du ruissellement d’une rivière et du bruissement des roseaux.
10 août 2018.
Une bonne nuit, mais le vent s’est levé et la CC est en plein soleil, toujours sous cette interminable vague de chaleur. Tandis qu’Alexis dévore les « Club des Cinq » (versions originales d’Enyd Blyton), Valentin m’accompagne à la découverte des alentours : une zone verte labellisée Natura 2000, il y fait bien meilleur à l’ombre des grands arbres et d’une église en ruine.
Mais le vent est si violent qu’il est difficile d’aérer le camping-car, nous levons le camp et prenons la direction de la frontière lituanienne, que nous franchissons sans même nous arrêter.