10 août 2018.
Quelques kilomètres après la frontière, lettone, nous arrivons sur le site de la Colline des Croix, au Nord de Siauliai. Le soleil cogne toujours autant et nous commençons par stationner le camion plus ou moins à l’ombre sur le parking du petit monastère inauguré en 2000, sept ans après la visite du Pape Jean-Paul II, dont un soupir aurait été interprété comme le souhait de voir construire un lieu de culte à cet endroit, alors qu’il avait eo ipso officié la messe sous une aubette en bois devant 100.000 fidèles.
Tandis que le soleil commence enfin à faiblir, nous parcourons les petits sentiers de cette colline jonchée de milliers de croix – 200.000 selon la police, 400.000 selon les organisateurs – que les pèlerins sont venus planter ici non seulement pour prier ou remercier leur dieu, mais aussi pour affirmer que la Lituanie est chrétienne, ce qui avait été réprimé durant l’occupation soviétique. Les Soviets avaient d’ailleurs décrété la colline locus non gratus et tout démoli en 1961. Évidemment, les Soviets ont fini par faire une croix sur les Pays Baltes, la Colline des Croix n’a jamais été définitivement crucifiée et continue d’être parée d’objets de dévotion cruciformes, crois-je. Pendant ce temps, évidemment, les crapauds du cru font croâ.
11 août 2018.
Il a plu à torrents cette nuit, la température a chuté de dix degrés Celsius, mais le ciel reste gris, comme l’ambiance dans la famille : les points de vue divergent et s’affrontent. Faut-il accélérer le rythme et raboter le voyage d’une semaine pour être plus vite à Bruxelles ou continuer sur notre tempo et découvrir d’autres horizons ? C’est peut-être la météo qui tranchera : le musée en plein air de Kleboniskiai sous la pluie, non merci, nous poursuivons jusqu’à Vilnius pour la nuit sur un parking répertorié dans « Park4Night », et donc occupé en masse par cette communauté de camping-caristes à laquelle nous avons du mal à adhérer depuis que nous voyageons en Europe.
12 août 2018.
Nos voisins polonais nous ont bien pourri la nuit, mais avec le soleil qui brille et le ciel bleu de ce matin, la journée s’annonce idéale pour visiter la capitale. Nous commençons par la colline de Gédymin située à côté du « camping ». Les restes des fortifications sont en chantier, mais la vue sur la ville, coupée en deux par la Neris, est excellente.
Nous descendons vers la vieille cité pour déambuler dans ses étroites rues pavées et rejoindre le quartier rebelle de la république auto-proclamée d’Uzupis, dont les 41 articles de la Constitution sont marqués en 31 langues sur les murs de la Paupio gatvé. Les kets ont été stupéfaits de lire l’article 18 qui stipule : « L’homme a le droit de se taire », phrase qui leur est régulièrement destinée.
Après la « rebelle attitude » (des SUV sont mêmes garés sur les trottoirs), nous remontons vers le Bastion de l’artillerie et sa rigueur toute militaire, pour repénétrer dans la vieille ville par la Porte de l’Aurore. La porte principale des anciennes fortifications accueille la chapelle Notre-Dame-de-la-Miséricorde et son icône à la Madone (pas la chanteuse, hein), haut lieu de pèlerinage, encore de nos jours.
C’est donc là, précisément, que Catherine a une révélation : elle réalise qu’elle a oublié, dans le motorhome, la pochette avec le cash, les passeports et les cartes de crédits, qu’elle a pour mission de ne jamais quitter lors des sorties. Je me réserve le plaisir de lui jeter l’opprobre plus tard, et nous rentrons fissa au CC pour récupérer le colis. Histoire de me calmer, les kets font une dictée, puis nous sortons – avec la pochette – prendre le goûter. Presque par chance, nous passons devant le Palais Présidentiel, qui nous ouvre ses portes pour visiter ses jardins et une exposition sur la citoyenneté. Juste à côté, l’université est déjà fermée, nous la gardons pour demain et allons prendre un autre goûter. Ben quoi, nous l’avions zappé hier.
13 août 2018.
Aujourd’hui, c’est déjà demain, le temps est à la grisaille, parfait pour s’attaquer au Palais des Grands Ducs de Lituanie. Le Palais est magnifique, bien que flambant neuf : sa reconstruction, sur base des documents d’époque mais avec des techniques modernes, a duré près de 9 ans. Dans le sous-sol, les différentes fondations des anciennes phases de constructions successives du palais et de ses fortifications, qui se sont étalées sur plusieurs siècles sont bien visibles et mises en valeur.
Il y a même une vaste cuve qui récupérait les « produits » des latrines. Les archéologues y ont trouvé, parmi d’autres choses (‘faut aimer son métier, tout de même) : des perles, des colliers et d’autres objets précieux. L’Histoire ne raconte pas s’ils étaient tombés là malencontreusement, style « Oh, zut, mon GSM », ou s’ils y avaient volontairement été dissimulés. Le musée du palais est dithyrambique sur les grands ducs, dont je vous épargne la tournée : entre les mariages et remariages arrangés, c’était Dallas avant l’heure. Pour les kets, ça devient un peu complicado, rien de mieux que l’excellent montage 3D à 360° pour comprendre l’évolution des lieux, ils étaient carrément époustouflés en tournant la tête dans tous les sens.
La visite, qui a duré des plombes, se termine par les appartements reconstitués en style d’époque, et par les bijoux de famille (au sens propre) des Grands Ducs. Après un lunch dans un bon resto, nous visitons la célèbre université de Vilnius, fondée en 1579 et gérée par les jésuites pendant deux siècles. Nous ne manquons pas de parcourir la petite exposition cachée dans une salle de l’église des Saints-Jean, consacrée à l’ordre des jésuites, fondé en 1534 par Ignacio de Loyola et reconnu par le Pape Paul III six ans plus tard.
A propos de Pape, François sera bientôt à Vilnius, il y a sa photo un peu partout. Étonnant que rien n’annonçait la venue des VW dans la capitale. Les kets ont bien donné, nous faisons encore un petit crochet par le musée de l’ambre, la mer Baltique posséderait le plus gros « gisement » de cette résine durcie, avant de terminer par la plaine de jeu du parc Bernardinu, qui possède un magnifique carrousel, l’occasion pour Alexis de faire la douloureuse connaissance avec la force centripète.
14 août 2018.
Nous avons quitté la ville hier soir pour un bivouac bien plus calme à côté du château de Trakai, sis sur une petite île au milieu d’un grand lac aux eaux limpides, nous le découvrons ce matin à la faveur d’une météo favorable.
Nous rejoignons le château à pieds, en empruntant des passerelles qui relient les bandes de terres et d’îles. Évidemment, c’est hyper-touristique et mon épouse ne résiste pas à la tentation de s’arrêter devant les étals pour se faire offrir une robe en lin, qui lui sied à ravir. Elle a de beaux restes, ma rombière. Pendant ce temps, Valentin, curieux comme toujours, est convié à une séance de bricolage dans l’échoppe d’une dame tombée sous son charme. Il repart fièrement avec son œuvre d’artisanat, ce qui ne me m’empêche pas de le ratiboiser aux échecs alors que la pluie fait son retour.
15 août 2018.
Frais et sec ce matin, c’est tout ce qu’il faut pour une séance de pédalo. En une heure, nous avons le temps de tourner autour de l’île du fort et de passer devant un grand manoir blanc.
Le lac, agrémenté de quelques îles, de roseaux et de beaux châteaux, est franchement très agréable et constitue une excellente étape, comme la suivante, à une heure de route, lovée dans un méandre de la rivière Neman, vous l’aurez reconnue : la ville thermale de Birtsonas.
16 août 2018.
C’est aujourd’hui l’anniversaire de mon épouse. La courtoisie et l’élégance ne m’autorisent évidemment pas à vous dévoiler l’âge avancé de ma vieille schnokke préférée, surtout qu’elle ne les fait pas, ses 38 ans … Pour l’occasion, je lui offre un moment de quiétude seule dans le CC (elle a du ménage à faire) et j’emmène les kets dans une grande balade le long de la rivière, qui nous mène au point de vue au bout du village.
Après ça, journée spéciale, activité spéciale : nous passons un bon moment au centre thermal : piscine d’eau minérale, jets massants, cascade, sauna russe, bain turc et grotte de glace. Nous en ressortons propres et détendus, fins prêts à endurer une nuit sur un parking que les Duduexpress qualifieraient de « coin à blaireaux ».
17 août 2018.
Le réveil est comme l’endormissement : tardif. Nous partons la fleur au bout du fusil, il n’y a que 80 km jusqu’à la frontière. Ha, ha, trois heures, il nous aura fallu ! D’abord des travaux dans une petite ville. Déviation : ‘connaît pas. Signalisation, même enseigne … Nous essayons toutes les rues du GPS, quand les ouvriers ne nous refoulent pas. La dernière tentative sera la bonne, forcément. Un peu plus loin, vidage de la cassette des WC, comme ça sur un terrain vague, pas trouvé mieux, et ramonage de la cheminée du frigo qui puait le gaz. Ensuite, nous croyons que c’est bon, que nenni, rebelote : travaux, déviation, interdiction. Pffft, nous voici à la frontière polonaise, reste plus qu’à faire le plein d’eau, j’ai trouvé un POI sur OsmAnd à 60 km, nous voici déjà en Pologne, les Pays Baltes, c’est fini.