5 juillet 2018.
En se couchant hier soir, Valentin s’est enquéri comme souvent du programme du lendemain. Et Alexis de répondre, tout naturellement : « Demain, nous entrons en Russie puis nous allons beaucoup rouler ». Il ne croyait pas si bien dire le bougre. Après le passage du chaotique poste frontière russe et du contrôle sommaire du camping-car, nous avons longé de vastes champs de patates, pour une fois qu’il ne fallait pas rouler dessus. Il y a environ 1.300 km à taper pour atteindre Moscou, l’objectif du jour est d’en mettre le plus possible derrière nous pour assurer notre arrivée dans la capitale russe demain soir. Tenant compte du trafic, de l’état des routes, de la traversée de villes et des travaux en cours, c’est ambitieux. Alors quand nous sommes sur du billard, je trace, ce qui fait dire à ma tendre épouse : « Tant qu’elle est bonne, autant en profiter ». Ceux qui me connaissent imaginent bien ce à quoi j’ai songé en la regardant après une telle réflexion. La route alterne du très bon et du moins bon, de nombreuses zones en travaux et traversées piétonnes. Sans tenir compte du dernier décalage horaire, le moteur tourne jusqu’à 23h, ce qui nous fait la plus longue journée de route du voyage pour abattre 763 km.
6 juillet 2018.
Traverser la Russie, ça prend du temps et de la patience. Forcément, avec plus de 17 millions de km2, c’est le pays le plus grand du monde, 560 fois notre grande Belgique. Des rings contournent la plupart des grandes villes croisées mais les travaux routiers entrepris pour le Mondial ne sont pas tous terminés, il manque de plus quelques connections entre les tronçons d’autoroutes et le trafic est très, très dense. Dans les embouteillages, les Russes sont encore plus impatients que moi, la courtoisie n’est pas toujours de mise, mais ça me va. Pas de cadeau. Nous atteignons la capitale de 13 millions d’habitants après une longue journée sur la route, il était temps que cela s’arrête : j’ai mal au séant à force de rester assis. A peine le moteur coupé sur le parking d’un hôtel, je balance le ballon dans la pelouse pour que les garçons, qui ont été exemplaires tout au long du trajet, puissent se défouler. En vue du programme chargé de demain, nous allons repérer le métro et y prendre des billets (carte magnétique prépayée) avant de nous allonger à quatre dans la capucine, une fois n’est pas coutume : il y a foot.
7 juillet 2018.
Grâce à l’excellent 4G moscovite (carte sim MTC), nous avons pu regarder la victoire des Diables Rouges sur le Brésil hier soir, en streaming sur la première chaîne française en activant le VPN, qui nous positionne en France. A présent, Moscou est à nous
Bien qu’il ne soit pas automatisé, le métro moscovite assure une fréquence de deux minutes entre chaque train, même un samedi matin, avec une très bonne régularité. Des portiques de sécurité ont été installés à l’entrée, il est bien surveillé par du personnel en nombre et vraiment nickel bien qu’assez ancien. Je dis ça, je ne dis rien. En quelques minutes, nous arrivons au Kremlin (de Moscou). Comme vous le savez, un kremlin est un ensemble fortifié comprenant des bâtiments militaires, administratifs et religieux
On en trouve dans plusieurs villes russes mais celui de Moscou est le plus célèbre et il suffit d’échanger quelques roubles contre un ticket aux caisses automatiques pour y pénétrer. Nous y passons toute la matinée à déambuler dans le beau parc et dans les cathédrales ornées d’icônes dorées. Dans l’une d’elles, Monsieur Poutine s’est fait (re)baptiser après sa prise de pouvoir, et dans une autre reposent les restes d’Yvan le Terrible. Coup de bol, nous assistons à l’impressionnante parade militaire qui se tient sur la Place des Cathédrales, chevaux et tenues d’apparat sont à l’honneur.
Affamés, nous traversons la Place Rouge, archi bondée, jusqu’aux galeries du Goum, le Lafayette d’ici, pour nous y rassasier à la cantine du n° 57, une véritable institution. Nous retournons sur la célèbre place Rouge pour y admirer les clochers aux bulbes colorés de la cathédrale de Saint-Basile et les autres célèbres monuments mais une construction temporaire du Mondial gâche un peu l’authenticité des lieux. Nous nous promenons alors jusqu’à la place Pouchkine avant de redescendre jusqu’à Arbatskaia (comme la rue Neuve, en plus animé) où les kets se font tirer le portrait.
8 juillet 2018.
L’âge de raison, il y est enfin parvenu : notre petit Valentin a sept ans aujourd’hui, il va devoir arrêter les bêtises.
Journée spéciale, activité spéciale : direction le musée, mais pas n’importe lequel, c’est le mémorial de l’astronautique qui met à l’honneur Youri Gagarine, le premier homme de l’espace (en 1961), mais aussi Belka et Strelka, les chiens-cosmonautes empaillés (après leur voyage dans l’espace). Du Spoutnik par-ci et du Soyouz par-là, les kets sont aux anges.
Pendant la visite, le soleil est revenu, nous prenons la direction du palais Ostankino que nous trouvons fermé pour cause de travaux. Pas grave, la petite église de la Sainte Trinité d’Ostankino est bien ouverte, de même que le parc éponyme que nous traversons pour rejoindre le Centre Panrusse des Expositions, sorte de plateau du Heysel, qui présente un pavillon pour chaque pays de l’ancienne union soviétique, c’est grandiose et magnifique. Nous quittons la capitale en fin de journée, histoire de se rapprocher de Saint-Pétersbourg afin d’y arriver demain soir : 700 kilomètres de route nationale avec des sémaphores et passages piétons nous attendent.
9 juillet 2018.
Nuitée bien calme sur le parking d’une station-service : pas très glorieux comme bivouac mais nous avons préféré gagner quelques kilomètres plutôt que de passer du temps à trouver mieux. Il reste ainsi moins de 500 km pour Saint-Pétersbourg où le bivouac sera encore pire, sur un immense parking de centre commercial, mais stratégique à côté du terminus du métro.
10 juillet 2018.
Stratégique, certes, mais bruyant, très bruyant : des Rony ont fait des courses stridentes, des donuts et des tests sonos jusqu’à 2h40, après c’était étonnamment calme. Décollage assez tardif, il fallait bien récupérer un peu ce matin. Direction l’Ermitage, THE incontournable de Saint-Pétersbourg. Tellement incontournable qu’il y a au moins une heure d’attente pour se procurer les tickets et encore autant pour pénétrer le saint des saints.
Nous y renonçons et longeons la Neva jusqu’au ravissant Palais d’Été de Pierre le Grand, portes closes le mardi. On est mardi. Au passage, le Palais de Marbre était fermé aussi. Bon, je commence à la trouver mauvaise, je suis prêt à visiter n’importe quoi, pourvu que ça soit ouvert. Nous nous dirigeons vers Furshtatskaia ulitsa, la rue où quelques-uns de mes aïeux ont vécus, j’explique cela à nos héritiers pour la postérité. Puis, nous prenons la direction du Palais Tauride, qui est fermé, bien entendu. Heureusement que la plaine de jeux du parc éponyme ne l’était pas, parce que les kets auraient pété un câble. Ou une durite. Il ne nous reste plus qu’à aller allumer un cierge à la cathédrale du monastère de Smolny qui a le mérite d’être ouverte. Mais en travaux, faut pas pousser.
Là, nous avons déjà bien donné et nous retournons vers la fameuse perspective Nevsky, le gros boulevard bordé de magnifiques bâtisses pré-soviétiques. Nous nous rendons à la Fan Fest le cœur léger, mais ça fini aussi mal pour la Belgique que la nuit s’annonce. De toutes façons : « Horum omnium fortissimi sunt Belgae », c’est le grand Jules qui l’a dit.
11 juillet 2018.
Après avoir dévoré deux « pains français », une fois, potferdek, nous prenons le métro jusqu’à l’île Petrogradskaya, délimitée par les Neva (La Petite, La Grande et la tout court), qui nous permet d’accéder à l’île aux Lièvres, où se situe la terrible forteresse Pierre et Paul. C’est génial : un ticket combiné donne accès à cinq sites dont trois sont fermés aujourd’hui. Purée, je ne sais pas si ce sont les restes de l’ère communiste mais le tourisme individuel est parfois compliqué en Russie. Nous nous contentons de traverser l’île-forteresse pour rejoindre l’île Vassilievski.
Longeant la rive Nord de la Neva, nous délaissons les courtisanes des temps modernes qui échangent quelques roubles contre un beau sourire et un terrible décolleté pour une photo souvenir, et nous arrivons dans le quartier des facultés. Qui dit université dit resto-u, nous y prenons un lunch peu dispendieux mais roboratif, ce bon plan constitue une bonne alternative à la traditionnelle junk food des grandes villes (59.94305, 30.29673). De là, nous parvenons facilement au Palais Menchikov qui a non seulement le mérite d’être ouvert, mais aussi de faire partie du billet combiné avec l’Ermitage, que nous pouvons nous procurer sur place, la file en moins. Et en plus, le palais du Gouverneur nommé par le tsar Pierre le Grand himself est magnifique. Les appartements sont richement meublés et décorés, tandis que des faïences de Hollande, l’autre pays du fromage, recouvrent les salons des murs aux plafonds.
L’après-midi est déjà bien entamée et nous avons le plus grand musée du monde à visiter, j’ai nommé : l’Ermitage. Nous y arrivons au pas de course et devons garder le même rythme pour en venir à bout, en faisant tout de même ci et là quelques pauses pour apprécier au mieux la splendeur du palais. Outre les trésors d’histoire qu’il recèle, les salles d’apparat monumentales ainsi que les chambres qui contiennent du mobilier d’époque laissent entrevoir la féerie de ce monde d’un autre temps qui contraste tant avec l’apparente austérité soviétique.
En fin de visite, nous sommes déjà sur les rotules, quant au détour d’un escalier, Alexis s’exclame : « Mais Papa, c’est Hermès, le messager des Dieux », il a en effet reconnu le dieu des voyageurs. Et quand je pense à Valentin qui s’extasiait devant un « carquois » dans un autre musée, j’ai le fier sentiment que nous n’avons pas tout raté avec nos kets. Après un rapide goûter, nous nous rendons au palais d’Hiver du Tsar Pierre 1er, le fondateur de Saint-Pétersbourg, pour terminer en nocturne au Musée Général de l’Administration Publique (le bâtiment arrondi en face de l’Ermitage) qui renferme un véritable trésor dans un bâtiment remis à neuf : les Matisse se succèdent aux Gaugin, Pizzaro et Picasso, sans oublier les Monet, Van Gogh et autres Kandisky. Mais c’est sur la finesse de Fabergé que notre visite se termine, les gardes nous poussent dehors : il est 21h et le musée ferme ses portes. Nous avons fait la fermeture du musée, dire qu’à une autre époque, nous faisions la fermeture de la Jefke.
12 juillet 2018.
Nuit réparatrice, les Rony sont partis vers minuit, mais nous sommes courbaturés de notre marathon de la veille. Aujourd’hui, c’est un petit peu la journée bonus, celle pour laquelle nous avons limité le nombre d’étapes de route, nous pouvons passer encore une journée au point le plus septentrional de notre parcours. Chose promise, chose due : nous prenons la direction de la Neva pour une croisière fluviale de deux heures.
Le temps est splendide, les monuments historiques se succèdent, j’arrête de mitrailler pour profiter de la magie de l’instant présent, que de merveilles réalisées en à peine trois siècles. La croisière terminée, nous traversons le jardin du palais d’été, avec ses délicates statues italiennes, avant de retrouver notre camion qui cuit en plein soleil, car oui même à Saint-Pétersbourg, il y a une canicule. Nous nous rendons à Pouchkine à l’heure de pointe, histoire de bien savourer l’amabilité des russes derrière leur volant. Pas mieux qu’à Bruxelles ! A peine installés au coin d’un parc (baballe), un couple de jeunes français débarque, Christelle et Loïc, nous passons la soirée attablés dans notre CC.
13 juillet 2018.
Après une courte mais bonne nuit, nous traversons le parc Alexander, dont le magnifique palais est caché derrière une palissade et nous arrivons au Palais Catherine, entouré d’un grand parc paysager. Catherine (la mienne) assure la majeure partie de la file pendant une heure pour entrer dans le palais, dont le ticket d’entrée est assez dispendieux eu égard au faible nombre de salles ouvertes, bien que splendides.
La dame du guichet, aussi aimable qu’une porte de coffre-fort, s’était bien gardée de nous prévenir qu’une partie de l’aile Est du palais est fermée pour rénovation et ce n’est pas la chambre de l’ambre, détruite par les nazis et récemment remise à neuf par les Allemands qui permet de sauver la mise à mon sens. Par contre, nous nous promenons longuement dans le parc avant de rentrer au CC.
Un petit détour logistique par Saint-Pétersbourg s’impose avant de faire route jusqu’à Peterhof.
14 juillet 2018.
Il y a encore une file pas possible pour visiter le palais de Peterhof, nous nous contentons alors d’en parcourir les jardins, d’autant plus qu’il fait à nouveau plein soleil. Chaque tsar y est allé de son petit coup de caprice et le parc est non seulement gigantesque, mais aussi magnifique, avec de nombreuses fontaines et cascades originales. Face au palais, tout en dorure, une longue perspective s’ouvre sur la mer Baltique, ou plutôt le Golfe de Finlande.
Le parc est encore agrémenté nombreux pavillons et nous visitons le musée des yachts impériaux. Il n’y a pas à dire, c’était autre chose que notre bateau-mouche sur la Neva. La visite touche à sa fin, au même titre que notre séjour dans le pays, dont nous sommes bien satisfaits : il n’a plu qu’une demi-journée et sur les dix jours octroyés par le visa de transit, nous n’avons passé que trois pleine journées de route, nous laissant sept journées de visites intenses. Il nous reste à passer la frontière, l’agent nous demande un document que nous n’avons pas (la déclaration de douane), mais nous montre le match Belgique-Angleterre qu’il était occupé à visionner streaming sur son smartphone, pendant qu’il se dépatouille avec la paperasse, c’est bien la première fois que nous ne sommes plus pressés de passer une douane.